ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

25 septembre 2015 ( *1 )

«REACH — Identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante — Intermédiaires — Recours en annulation — Affectation directe — Recevabilité — Proportionnalité — Égalité de traitement»

Dans l’affaire T‑268/10 RENV,

Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG), établi à Bruxelles (Belgique),

SNF SAS, établie à Andrézieux‑Bouthéon (France),

représentés par Mes R. Cana, D. Abrahams et E. Mullier, avocats,

parties requérantes,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere et T. Zbihlej, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Stuyck et A.‑M. Vandromme, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays‑Bas, représenté par Mme B. Koopman, en qualité d’agent,

et par

Commission européenne, représentée par MM. D. Kukovec, E. Manhaeve et Mme K. Talabér‑Ritz, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de l’ECHA identifiant l’acrylamide (CE no 201‑173‑7) comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), conformément à l’article 59 dudit règlement,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, F. Dehousse, J. Schwarcz, Mme V. Tomljenović et M. A. M. Collins, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents des litiges

1

Le premier requérant, Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG), est un groupement européen d’intérêt économique qui est établi en Belgique. Il représente les intérêts des sociétés productrices ou importatrices de polyélectrolytes, de polyacrylamide ou d’autres polymères contenant de l’acrylamide. Les sociétés membres du premier requérant sont également des utilisatrices d’acrylamide et des fabricantes ou importatrices d’acrylamide ou de polyacrylamide. Tous les producteurs d’acrylamide de l’Union européenne sont membres du premier requérant.

2

La seconde requérante, SNF SAS, est une société membre du premier requérant. Elle a principalement pour activité la fabrication d’acrylamide et de polyacrylamide, qu’elle vend directement à ses clients. Elle dispose de sites de production en France, aux États‑Unis, en Chine et en Corée du Sud.

3

Les polyélectrolytes sont des polymères hydrosolubles, synthétiques et organiques qui sont produits à partir de différents monomères, l’un de ces monomères étant l’acrylamide. Ils sont utilisés, par exemple, pour purifier l’eau potable, traiter les eaux usées, produire du papier et extraire des minéraux précieux.

4

Le polyacrylamide est un polymère formé par polymérisation du monomère acrylamide, qui est le plus généralement utilisé dans le traitement des eaux, l’industrie du papier, l’industrie minière, l’industrie pétrolière, l’agriculture, comme additif pour les textiles et dans les domaines des produits cosmétiques et de l’hygiène corporelle.

5

Le 25 août 2009, le Royaume des Pays‑Bas a transmis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier qu’il avait élaboré concernant l’identification de l’acrylamide comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), modifié par la suite notamment par le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE (JO L 353, p. 1), en faisant référence à la classification de l’acrylamide comme substance cancérogène de catégorie 2 et mutagène de catégorie 2 dans l’annexe VI, partie 3, du règlement no 1272/2008. Le 31 août 2009, l’ECHA a publié sur son site Internet un avis invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi pour l’acrylamide. Le même jour, l’ECHA a également invité les autorités compétentes des autres États membres à présenter des observations à ce sujet.

6

Après avoir reçu des observations sur le dossier en cause, notamment du premier requérant, et les réponses du Royaume des Pays‑Bas à ces observations, l’ECHA a renvoyé le dossier à son comité des États membres, qui est parvenu, le 27 novembre 2009, à un accord unanime sur l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, au motif que l’acrylamide remplissait les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement no 1907/2006.

7

Le 22 décembre 2009, le directeur exécutif de l’ECHA a pris la décision ED/68/2009 d’inclure l’acrylamide, le 13 janvier 2010, dans la liste de substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 (ci‑après la « liste des substances candidates »).

8

À la suite d’une demande en référé de la seconde requérante dans l’affaire T‑1/10 R, par ordonnance du président du Tribunal du 11 janvier 2010, il a été sursis à l’exécution de la décision de l’ECHA identifiant l’acrylamide comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, conformément à l’article 59 de ce règlement, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à cette procédure de référé. À la suite de cette ordonnance, l’ECHA a suspendu l’inscription de l’acrylamide sur la liste des substances candidates.

9

Par ordonnance du 26 mars 2010, PPG et SNF/ECHA (T‑1/10 R, EU:T:2010:128), la demande en référé de la seconde requérante a été rejetée.

10

Le 30 mars 2010, l’ECHA a publié la liste des substances candidates incluant l’acrylamide.

Procédure devant le Tribunal et la Cour et conclusions des parties

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2010, les requérants ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision de l’ECHA identifiant l’acrylamide comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006 et incluant l’acrylamide dans la liste des substances candidates, conformément à l’article 59 de ce règlement (ci‑après la « décision attaquée »).

12

Par lettres enregistrées au greffe du Tribunal respectivement les 19 et 25 novembre 2010, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission européenne ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Il a été fait droit à ces demandes, les parties principales ayant été entendues, par ordonnance du 10 janvier 2011.

13

Par ordonnance du 21 septembre 2011, PPG et SNF/ECHA (T‑268/10, Rec, EU:T:2011:508), le Tribunal (septième chambre élargie) a rejeté le recours comme irrecevable.

14

Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 2011, les requérants ont introduit un pourvoi contre l’ordonnance PPG et SNF/ECHA, point 13 supra (EU:T:2011:508).

15

Par arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA (C‑625/11 P, Rec, ci‑après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2013:594), la Cour a annulé l’ordonnance PPG et SNF/ECHA, point 13 supra (EU:T:2011:508). La Cour a considéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en ce qu’il avait considéré que le recours avait été formé tardivement en raison du fait que la règle, selon laquelle le délai de recours était à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de la décision litigieuse, prévue à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, s’appliquait aux seuls actes publiés au Journal officiel de l’Union européenne et non aux actes publiés sur Internet (arrêt sur pourvoi, point 37).

16

L’affaire n’étant pas en état d’être jugée, la Cour l’a renvoyée devant le Tribunal et a réservé les dépens.

17

L’affaire a été attribuée à la cinquième chambre élargie du Tribunal, conformément à l’article 118, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

18

Dès lors que la procédure écrite n’était pas terminée lors de l’intervention de l’arrêt sur pourvoi, l’ECHA a été invitée, par décision du Tribunal (cinquième chambre élargie) du 24 octobre 2013, à déposer un mémoire en défense, conformément à l’article 119, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

19

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2013, l’ECHA a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

20

Par ordonnance du Tribunal (cinquième chambre élargie) du 17 juin 2014, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

21

Le Royaume des Pays‑Bas a déposé son mémoire en intervention le 16 septembre 2014. Par actes déposés au greffe du Tribunal le 10 novembre 2014, l’ECHA et les requérants ont présenté leurs observations sur ce mémoire.

22

La Commission a déposé son mémoire en intervention le 17 septembre 2014. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2014, l’ECHA a présenté ses observations sur ce mémoire. Les requérants n’ont pas présenté d’observations sur ce mémoire.

23

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

24

Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a invité, d’une part, l’ECHA à produire des documents et, d’autre part, toutes les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

25

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 avril 2015.

26

Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours recevable et bien fondé ;

annuler la décision attaquée ;

condamner l’ECHA aux dépens.

27

L’ECHA, le Royaume des Pays‑Bas et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

condamner les requérants aux dépens.

En droit

28

Avant d’examiner les moyens et arguments des parties sur le fond, il y a lieu d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’ECHA.

Sur la recevabilité

29

Au soutien de son exception d’irrecevabilité, l’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays‑Bas et la Commission, soulève une fin de non‑recevoir qui est tirée d’un défaut d’affectation directe des requérants.

30

Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas du même article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

31

En l’espèce, il est constant que la décision attaquée n’a pas été adressée aux requérants, qui ne sont donc pas destinataires de cet acte. Dans cette situation, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérants ne peuvent former un recours en annulation contre ledit acte qu’à la condition qu’ils soient directement concernés par celui‑ci.

32

S’agissant de la recevabilité du recours du premier requérant, il convient de rappeler qu’il a déjà été jugé qu’une association chargée de défendre les intérêts collectifs de ses membres n’était en principe recevable à introduire un recours en annulation que si les entreprises qu’elle représentait ou certaines d’entre elles avaient qualité pour agir à titre individuel ou si elle pouvait faire valoir un intérêt propre (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 56 et jurisprudence citée). Cette solution s’impose également dans le cas d’un groupement européen d’intérêt économique qui, comme le premier requérant, a été constitué afin de représenter les intérêts d’une catégorie d’entreprises (voir ordonnance du 24 juin 2014, PPG et SNF/ECHA, T‑1/10 RENV, EU:T:2014:616, point 30 et jurisprudence citée).

33

En l’espèce, le premier requérant n’a avancé aucun élément visant à démontrer que ses intérêts propres étaient directement affectés. À supposer même qu’il soit tenu d’organiser et de coordonner une approche harmonisée concernant les obligations résultant du règlement no 1907/2006 au niveau de l’ensemble du secteur en cause, il ne ferait pas valoir ainsi ses propres intérêts, mais ceux de ses membres. Par conséquent, le premier requérant n’est recevable à introduire un recours en annulation que si ses membres ou certains d’entre eux, comme la seconde requérante, sont directement concernés par la décision attaquée.

34

S’agissant de l’affectation directe, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec, EU:C:1998:193, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C‑486/01 P, Rec, EU:C:2004:394, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec, EU:C:2009:529, point 45).

35

Les requérants font valoir que la décision attaquée les concerne directement en ce que la situation juridique des membres du premier requérant et celle de la seconde requérante seraient affectées en raison notamment des obligations prévues à l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006. Du fait de l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, les membres du premier requérant et la seconde requérante seraient tenus de mettre à jour la fiche de données de sécurité pour l’acrylamide, en vertu de cette disposition.

36

Il convient de relever que, selon l’article 31, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1907/2006, les fournisseurs d’une substance ou d’un mélange doivent fournir au destinataire de celle‑ci une fiche de données de sécurité lorsque la substance répond aux critères de classification comme substance dangereuse conformément au règlement no 1272/2008. L’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006 dispose à cet égard que cette fiche de données de sécurité doit être mise à jour sans tarder par les fournisseurs dès que de nouvelles informations qui peuvent affecter les mesures de gestion des risques ou de nouvelles informations relatives aux dangers sont disponibles.

37

En l’espèce, il n’est pas contesté que les membres du premier requérant et la seconde requérante devaient fournir aux destinataires de l’acrylamide une fiche de données de sécurité dès lors que cette substance répondait aux critères de classification en tant que substance dangereuse conformément au règlement no 1272/2008. En effet, l’acrylamide a notamment été classifié parmi les substances cancérogènes de catégorie 2 et mutagènes de catégorie 2 (voir point 5 ci‑dessus).

38

En revanche, il est contesté que l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006, en vertu de l’article 57, sous a) et b), de ce règlement, constitue, ainsi que les requérants le font valoir, une nouvelle information au sens de l’article 31, paragraphe 9, sous a), dudit règlement, qui déclenche l’obligation visée par cette disposition, à savoir la mise à jour de la fiche de données de sécurité, de sorte que la décision attaquée produirait des effets directs sur la situation juridique des membres du premier requérant et sur celle de la seconde requérante.

39

En ce qui concerne la fiche de données de sécurité, l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 dispose qu’elle doit être établie conformément à l’annexe II dudit règlement. Cette annexe définit les exigences que doit respecter le fournisseur lors de l’établissement d’une fiche de données de sécurité qui est présentée pour une substance conformément à l’article 31 du règlement no 1907/2006. La fiche de données de sécurité doit permettre aux utilisateurs de prendre les mesures nécessaires en matière de protection de la santé humaine et de la sécurité sur le lieu de travail et de protection de l’environnement.

40

Selon les requérants, l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006 au motif que cette substance remplit les critères visés à l’article 57, sous a) et b), de ce règlement, constitue une nouvelle information relative notamment à l’article 31, paragraphe 6, point 15, du même règlement, tel que modifié par le règlement (UE) no 453/2010 de la Commission, du 20 mai 2010, modifiant le règlement no 1907/2006 (JO L 133, p. 1), qui vise les informations relatives à la réglementation.

41

En ce qui concerne l’article 31, paragraphe 6, point 15, du règlement no 1907/2006, selon le point 15 de la partie A de l’annexe II de ce règlement, tel que modifié par le règlement no 453/2010, cette section de la fiche de données de sécurité concerne les autres informations réglementaires relatives à la substance qui n’ont pas encore été fournies dans cette fiche. Selon le point 15.1 de la partie A de l’annexe II dudit règlement, d’une part, il convient d’indiquer les informations relatives aux dispositions de l’Union pertinentes en matière de sécurité, de santé et d’environnement, par exemple, la catégorie Seveso et les substances désignées figurant à l’annexe I de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JO 1997, L 10, p. 13), ou de fournir des informations nationales sur le statut réglementaire de la substance ou du mélange, y compris les substances présentes dans le mélange, en les accompagnant de conseils relatifs aux mesures que le destinataire devrait prendre en conséquence. D’autre part, si la substance ou le mélange couvert par la fiche de données de sécurité fait l’objet de dispositions particulières concernant la protection de la santé humaine ou de l’environnement au niveau de l’Union, par exemple d’autorisations accordées en vertu du titre VII du règlement no 1907/2006 ou de restrictions appliquées en vertu du titre VIII de ce même règlement, il convient de mentionner ces dispositions.

42

Il y a lieu de relever que la décision de l’ECHA résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 constitue une disposition de l’Union en matière de sécurité, de santé et d’environnement sur le statut réglementaire d’une substance. En effet, par cette décision, une substance est identifiée comme extrêmement préoccupante qui peut être incluse dans l’annexe XIV de ce règlement, laquelle contient la liste des substances soumises à autorisation. Par conséquent, les fournisseurs d’une telle substance ou de mélanges contenant cette substance doivent mentionner cette identification sur la fiche de données de sécurité et fournir des conseils quant aux obligations qui incombent aux destinataires en conséquence de cette identification, et notamment, quant aux obligations d’information en vertu des articles 7 et 33 du règlement no 1907/2006. Dès lors, l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, au motif que cette substance remplit les critères visés à l’article 57, sous a) et b), de ce règlement, constitue une nouvelle information susceptible d’obliger les fournisseurs de ladite substance à mettre à jour la fiche de données de sécurité concernée.

43

Il s’ensuit que la décision de l’ECHA d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 est susceptible de produire des effets directs sur la situation juridique des fournisseurs de cette substance en raison de l’obligation prévue par celle‑ci.

44

En l’espèce, cette conclusion n’est remise en cause ni par le fait que, au moment du dépôt de la requête le 10 juin 2010, moment auquel les conditions de recevabilité du recours doivent être appréciées (voir ordonnance du 7 septembre 2010, Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, Rec, EU:T:2010:354, point 76 et jurisprudence citée), le règlement no 453/2010 n’était pas encore entré en vigueur, ni par le fait que, selon les requérants, l’acrylamide était une substance exclusivement enregistrée et utilisée en tant qu’intermédiaire.

45

En premier lieu, s’agissant du fait que, au moment du dépôt de la requête le 10 juin 2010, le règlement no 453/2010 n’était pas encore entré en vigueur, il est vrai que, selon son article 3, ce règlement est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel. Ce règlement ayant été publié au Journal officiel le 31 mai 2010, il est donc entré en vigueur le 20 juin 2010. Toutefois, la possibilité que le règlement no 453/2010 n’entre pas en vigueur après son adoption le 20 mai 2010 et sa publication au Journal officiel était, au moment du dépôt de la requête, purement théorique (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki‑Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec, EU:C:1985:18, point 9).

46

À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argumentation de l’ECHA, qui fait référence au point 76 de l’ordonnance Etimine et Etiproducts/Commission, point 44 supra (EU:T:2010:354), selon laquelle la question de la recevabilité d’un recours doit être tranchée sur la base des règles en vigueur à la date à laquelle il a été introduit. En effet, en l’espèce, il ne s’agit pas de la question de l’applicabilité dans le temps des règles qui fixent les conditions de recevabilité d’un recours en annulation formé par un particulier devant le juge de l’Union. Le règlement no 453/2010 fait partie des règles de fond.

47

S’agissant du fait que l’annexe II du règlement no 1907/2006 n’a été modifiée, selon l’article 1er du règlement no 453/2010, qu’avec effet au 1er décembre 2010, il suffit de relever que le fait que les effets d’un acte ne se réalisent qu’à une date ultérieure déterminée dans ce même acte n’empêche pas qu’un particulier puisse être directement affecté en raison d’une obligation découlant de celui‑ci (voir, en ce sens, ordonnance du 11 juillet 2005, Bonino e.a./Parlement et Conseil, T‑40/04, Rec, EU:T:2005:279, points 46 et 47).

48

En second lieu, s’agissant du fait que, selon les requérants, l’acrylamide était une substance exclusivement enregistrée et utilisée en tant qu’intermédiaire, il convient de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1907/2006, ce dernier n’est pas applicable aux intermédiaires non isolés et que, en vertu de l’article 2, paragraphe 8, sous b), de ce règlement, les intermédiaires isolés sont exemptés du titre VII du même règlement relatif à la procédure d’autorisation dont fait partie la procédure d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante.

49

En l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si, en vertu de ces dispositions, les requérants sont exemptés des obligations d’informations prévues à l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006, puisque, en tout état de cause, au moment du dépôt de la requête, l’acrylamide fourni par les membres du premier requérant et par la seconde requérante n’était pas exclusivement utilisé en tant qu’intermédiaire.

50

Selon la définition prévue à l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006, un intermédiaire est une substance fabriquée en vue d’une transformation chimique et consommée ou utilisée dans le cadre de cette transformation en vue de faire l’objet d’une opération de transformation en une autre substance (ci‑après la « synthèse »). Selon l’article 3, point 15, sous a), du même règlement, un intermédiaire non isolé est un intermédiaire qui, pendant la synthèse, n’est pas retiré intentionnellement, sauf à des fins d’échantillonnage, des dispositifs dans lesquels a lieu la synthèse. L’article 3, point 15, sous b) et c), de ce règlement contient la définition d’un intermédiaire isolé restant sur le site et d’un intermédiaire isolé transporté. Le premier est un intermédiaire ne répondant pas aux critères définissant un intermédiaire non isolé, dans les cas où la fabrication de l’intermédiaire et la synthèse d’une ou de plusieurs autres substances à partir de cet intermédiaire ont lieu sur le même site, exploité par une ou plusieurs personnes morales. Le second est un intermédiaire ne répondant pas aux critères définissant un intermédiaire non isolé, transporté entre différents sites ou fourni à d’autres sites.

51

Il est exact qu’il ressort du point 1.1 du dossier élaboré par le Royaume des Pays‑Bas sur l’acrylamide, qui concerne les « informations sur l’exposition », que 99,9 % de l’acrylamide était utilisé en tant qu’intermédiaire. Cependant, à ce point, il est précisé à juste titre qu’il existait d’autres utilisations en tant qu’agent dans des produits d’étanchéité et pour la préparation sur site de gels d’électrophorèse à base de polyacrylamide.

52

Premièrement, s’agissant de l’utilisation de l’acrylamide dans des produits d’étanchéité, celle‑ci consiste notamment en une utilisation pour colmater des infiltrations d’eau, réparer des ouvrages en béton et traiter des remontées capillaires (arrêt du 1er février 2013, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, T‑368/11, EU:T:2013:53, point 2). Il ressort de la description de cette utilisation, figurant audit point 1.1 du dossier établi par le Royaume des Pays‑Bas sur l’acrylamide, qui est exacte selon les requérants, que, lorsque l’agent d’étanchéité à base d’acrylamide se polymérise ou se gélifie, il se solidifie en un gel rigide qui est imperméable à l’eau.

53

Les requérants font valoir que ce processus démontre que l’acrylamide est utilisé en tant qu’intermédiaire selon la définition prévue à l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006. L’acrylamide serait fabriqué ou importé afin d’être consommé ou utilisé dans la synthèse d’une autre substance, à savoir un polymère imperméable à l’eau. Un polymère serait défini comme étant une substance à l’article 3, point 5, du même règlement.

54

Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, selon la définition prévue à l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006, un intermédiaire est une substance fabriquée en vue d’une transformation chimique et consommée ou utilisée dans le cadre de cette transformation en vue de faire l’objet d’une synthèse. En l’espèce, il est exact que l’agent d’étanchéité à base d’acrylamide est utilisé dans la fabrication d’une autre substance où il est lui‑même transformé en cette autre substance, à savoir un polymère. Toutefois, ainsi que l’affirme l’ECHA, l’acrylamide n’est pas utilisé en vue de faire lui‑même l’objet d’une synthèse, au sens de la définition prévue à l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006. Il n’est pas utilisé dans le but de fabriquer cette autre substance, l’objectif principal du processus chimique étant de réaliser une fonction d’étanchéité qui se produit lorsque l’agent d’étanchéité à base d’acrylamide se polymérise. En se polymérisant, il se solidifie en un gel rigide qui est imperméable à l’eau quand il est utilisé dans les applications d’étanchéisation. L’utilisation de l’acrylamide en tant qu’agent d’étanchéité n’est donc pas une utilisation intermédiaire, mais une utilisation finale de la substance.

55

Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par la « définition des intermédiaires telle que convenue par la Commission, les États membres et l’ECHA le 4 mai 2010 ». Selon le point 4 de cette définition, qui concerne l’utilisation industrielle finale d’une substance autre que dans la fabrication d’une autre substance, dans le cas où une substance A est utilisée par le fabricant lui‑même ou par un utilisateur en aval et réagit chimiquement dans un processus autre que la fabrication d’une autre substance, la substance A ne peut pas être un intermédiaire. Toujours selon ce point, lorsque l’objectif principal du processus chimique n’est pas de fabriquer une autre substance, mais plutôt de réaliser une autre fonction, une propriété spécifique, ou une réaction chimique comme faisant partie intégrante de la production d’articles, les substances utilisées pour cette activité ne doivent pas être considérées comme intermédiaires au titre du règlement no 1907/2006. Ces considérations sont également reflétées au point 2 de cette définition, qui contient une analyse de la définition d’un intermédiaire au sens de l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006.

56

Deuxièmement, s’agissant de l’utilisation de l’acrylamide pour la préparation sur site de gels d’électrophorèse à base de polyacrylamide, il ressort du point 1.1 du dossier élaboré par le Royaume des Pays‑Bas sur l’acrylamide, qui concerne les « informations sur l’exposition », que de tels gels étaient utilisés comme outils de recherche pour séparer des acides nucléiques dans les établissements de recherche, les universités et les hôpitaux.

57

Les requérants font valoir que l’utilisation de l’acrylamide dans la fabrication de gels d’électrophorèse à base de polyacrylamide est une utilisation intermédiaire puisque l’acrylamide serait transformé en une autre substance, à savoir le gel qui serait un polymère.

58

Ainsi que l’affirme l’ECHA, sans préciser le contexte dans lequel la réaction chimique donnant lieu à des gels de polyacrylamide a lieu, une telle argumentation n’est pas suffisante pour constater que l’acrylamide dans la fabrication de gels d’électrophorèse était exclusivement utilisé en tant qu’intermédiaire. Il a déjà été constaté (voir points 54 et 55 ci‑dessus) que l’acrylamide constituait un intermédiaire lorsque cette substance était utilisée en vue de faire l’objet d’une synthèse. Ainsi que l’affirme l’ECHA, tel n’est notamment pas le cas s’agissant de l’utilisation d’acrylamide dans la préparation de moulages manuels de gels de polyacrylamide. L’intention sous‑jacente de la préparation de moulages, qui est l’une des étapes du protocole de l’électrophorèse, n’est pas de fabriquer un polyacrylamide, mais de séparer les molécules de manière analytique par électrophorèse.

59

Troisièmement, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel les trois dossiers d’enregistrement de l’acrylamide figurant dans la base de données des substances enregistrées de l’ECHA identifiaient tous cette substance comme intermédiaire, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 20, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1907/2006, l’ECHA procède à un contrôle du caractère complet du dossier d’enregistrement, ce qui n’inclut cependant pas d’évaluation de la qualité ou du caractère approprié des données ou des justifications soumises. En outre, il ressort de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement que, sauf disposition contraire de ce règlement, tout fabricant ou importateur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un ou plusieurs mélange(s), en quantités d’une tonne ou plus par an, soumet une demande d’enregistrement à l’ECHA. Il n’est donc pas exclu que certains fabricants ou importateurs n’enregistrent pas l’acrylamide, parce qu’ils l’utilisent dans des quantités inférieures. Le fait qu’il n’existait que des dossiers d’enregistrement pour l’acrylamide comme intermédiaire n’implique donc pas que cette substance était exclusivement utilisée en tant qu’intermédiaire.

60

Au vu de ce qui précède, les requérants sont directement concernés par la décision attaquée en raison des obligations d’informations prévues à l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006. L’exception d’irrecevabilité doit donc être rejetée.

61

Par conséquent, les autres conditions de recevabilité étant satisfaites, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties, le recours est recevable.

Sur le fond

62

Au soutien du recours, les requérants soulèvent quatre moyens qui sont tirés, premièrement, d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), et de l’article 59 du règlement no 1907/2006, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, d’une violation du principe de proportionnalité et, quatrièmement, d’une violation du principe d’égalité de traitement.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), et de l’article 59 du règlement no 1907/2006

63

Les requérants font valoir que, en identifiant l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, l’ECHA viole l’article 2, paragraphe 8, sous b), et l’article 59 du règlement no 1907/2006, parce que l’acrylamide serait une substance exclusivement enregistrée et utilisée en tant qu’intermédiaire et serait, ainsi, exemptée du titre VII de ce règlement. Selon eux, pendant la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006, seules des preuves attestant du fait que l’acrylamide était une substance intermédiaire auraient été produites. Tel serait notamment le cas des utilisations de cette substance dans des produits d’étanchéisation et pour la fabrication de gels d’électrophorèse, qui seraient les seules mentionnées par le Royaume des Pays‑Bas dans son dossier établi pour l’acrylamide comme exemples d’une utilisation de cette substance en tant que telle et non en tant qu’intermédiaire.

64

Il convient de relever que, par la décision attaquée, l’acrylamide a été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006. Cette procédure fait partie de la procédure d’autorisation prévue au titre VII de ce règlement. En vertu de l’article 2, paragraphe 8, sous b), dudit règlement, les intermédiaires isolés restant sur le site et les intermédiaires isolés transportés sont exemptés de ce titre. Il y a donc lieu d’examiner si, en raison de cette exemption, la décision attaquée est illégale dans la mesure où elle a identifié l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante.

65

En premier lieu, il y a lieu de relever que la procédure prévue par l’article 59 du règlement no 1907/2006 concerne l’identification de substances. Il convient également de constater que, selon l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, ce dernier prévoit des dispositions relatives aux substances et aux mélanges, au sens de son article 3, applicables à la fabrication, à la mise sur le marché ou à l’utilisation de ces substances, telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, et à la mise sur le marché des mélanges. Selon la définition figurant à l’article 3, point 1, dudit règlement, une substance est un élément chimique et ses composés à l’état naturel ou obtenus par un processus de fabrication, y compris tout additif nécessaire pour en préserver la stabilité et toute impureté résultant du processus mis en œuvre, mais à l’exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ou modifier sa composition. Une substance est donc définie par ses propriétés intrinsèques. Au vu de ces dispositions et dès lors qu’il est constant que l’acrylamide constitue une substance au sens de cette définition, celle‑ci pouvait à bon droit faire l’objet de la procédure d’identification prévue par l’article 59 du règlement no 1907/2006.

66

En second lieu, il importe de constater que le fait qu’une substance puisse avoir le statut d’intermédiaire n’implique pas que celle‑ci soit exemptée de l’identification comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006. Il est certes vrai que, en vertu de l’article 2, paragraphe 8, sous b), de ce règlement, les intermédiaires isolés restant sur le site et les intermédiaires isolés transportés sont exemptés du titre VII dudit règlement relatif à la procédure d’autorisation dont fait partie la procédure d’identification. Toutefois, il résulte de la définition d’intermédiaire, prévue à l’article 3, point 15, du règlement no 1907/2006, que la qualification d’une substance en tant qu’intermédiaire dépend de l’objectif visé par sa fabrication et par son utilisation. Ainsi qu’il a déjà été rappelé (voir point 50 ci‑dessus), selon cette définition, un intermédiaire est une substance fabriquée en vue d’une transformation chimique et consommée ou utilisée dans le cadre de cette transformation en vue de faire l’objet d’une synthèse. Dans la mesure où toute substance peut, en principe, être fabriquée en vue d’une transformation chimique et consommée ou utilisée dans le cadre de cette transformation en vue de faire l’objet d’une synthèse, ainsi, avoir le statut d’intermédiaire, le fait qu’une substance possède, dans un cas d’espèce, le statut d’intermédiaire ne saurait exempter celle‑ci de la procédure d’identification prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006.

67

Ces considérations sont confirmées par le fait que les critères prévus à l’article 57 du règlement no 1907/2006 afin d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 de ce règlement concernent les propriétés intrinsèques de cette substance. En effet, en vertu de l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, une substance peut être identifiée si elle répond aux critères de classification comme substance cancérogène, mutagène sur les cellules germinales et toxique pour la reproduction ainsi que si elle est persistante, bioaccumulable et toxique ou très persistante et très bioaccumulable. L’article 57, sous f), du règlement no 1907/206 permet d’identifier une substance ayant des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalant à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e). Tandis qu’une substance au sens du règlement no 1907/2006 est définie par ses propriétés intrinsèques (voir point 65 ci‑dessus), le concept d’intermédiaire prévu par ce règlement ne concerne pas les propriétés d’une substance et ne modifie en aucune façon ces propriétés, mais définit un intermédiaire en raison de l’objectif visé par la fabrication et par l’utilisation d’une substance.

68

S’agissant, à cet égard, de l’argument des requérants selon lequel l’exemption relative aux intermédiaires prévue à l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 ne se fonde pas expressément sur les utilisations d’une substance, il y a lieu de relever que, selon la définition d’intermédiaire prévue à l’article 3, point 15, de ce règlement, il est nécessaire de prendre en compte l’objectif visé par la fabrication et par l’utilisation de cette substance afin de déterminer si cette dernière a le statut d’intermédiaire.

69

Dans la mesure où les requérants font valoir que, en vertu de l’article 59 du règlement no 1907/2006, l’identification de l’acrylamide aurait dû être fondée sur toutes les informations contenues dans le dossier élaboré par le Royaume des Pays‑Bas conformément à l’annexe XV de ce règlement, selon lequel cette substance ne serait utilisée qu’en tant qu’intermédiaire, leur argumentation doit également être rejetée. En effet, à supposer même que ce dossier ne mentionne que des exemples d’utilisations de cette substance en tant qu’intermédiaire, cela ne serait pas pertinent aux fins d’identifier l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, étant donné que ces informations ne concernent pas les propriétés intrinsèques de l’acrylamide. Ainsi que l’affirme l’ECHA, ces informations pourraient devenir pertinentes lors des stades ultérieurs de la procédure d’autorisation prévue au titre VII du règlement no 1907/2006, à savoir lors de la procédure de soumission d’une substance à autorisation et lors de la procédure d’octroi d’autorisations pour des utilisations spécifiques. En tout état de cause, il a déjà été constaté qu’il ne saurait être conclu que toutes les utilisations de l’acrylamide mentionnées par le Royaume des Pays‑Bas dans son dossier avaient un caractère intermédiaire (voir points 49 à 59 ci‑dessus).

70

En outre, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’ECHA a violé le principe de bonne administration en ce qu’elle n’aurait pas justifié l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, eu égard à son utilisation prétendument exclusive en tant qu’intermédiaire, il convient de constater, d’une part, que l’utilisation de cette substance en tant qu’intermédiaire n’empêchait pas son identification comme substance extrêmement préoccupante et, d’autre part, que le dossier élaboré par le Royaume des Pays‑Bas, qui constituait la base de la procédure d’identification, indiquait deux utilisations de l’acrylamide qui étaient, selon ce dossier, autres qu’intermédiaires. Cet argument doit donc être rejeté.

71

Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

72

Les requérants font valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle se serait appuyée, aux fins de l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, sur la proposition du Royaume des Pays‑Bas qui ne contiendrait aucune information établissant que 0,1 % de l’acrylamide ne serait pas utilisé en tant qu’intermédiaire. Selon les requérants, les utilisations de cette substance dans des produits d’étanchéisation et pour la fabrication de gels d’électrophorèse, qui seraient les seules mentionnées par le Royaume des Pays‑Bas dans son dossier établi pour l’acrylamide comme exemples d’une utilisation de cette substance en tant que telle et non en tant qu’intermédiaire, ne sont pas concluantes. Il s’agirait des utilisations de l’acrylamide en tant qu’intermédiaire. En l’absence d’informations sur une utilisation de l’acrylamide autre qu’en tant qu’intermédiaire, la décision attaquée serait arbitraire.

73

À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, Rec, EU:C:2011:504, point 60, et du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, Rec, EU:T:2013:106, point 76).

74

Néanmoins, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec, EU:C:2010:419, points 33 et 34, et Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 77).

75

À la lumière de cette jurisprudence, l’argumentation des requérants doit être rejetée.

76

En effet, il convient de constater que le dossier élaboré par le Royaume des Pays‑Bas conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 indique certes que jusqu’à 99 % de l’acrylamide utilisé dans l’Union était utilisé comme intermédiaire dans la production de polyacrylamides pour plusieurs applications et qu’il existait d’autres utilisations en tant qu’agent dans des produits d’étanchéité et pour la préparation sur site de gels de polyacrylamide. En outre, il y a lieu de relever que le document d’appui du comité des États membres, sur lequel l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante était fondée, ne contient aucune information sur l’utilisation de cette substance.

77

Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen du présent recours, afin d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, il y a lieu de prendre en compte les propriétés intrinsèques de cette substance. En outre, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 59, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, un dossier élaboré aux fins d’identifier une substance comme extrêmement préoccupante peut se limiter, le cas échéant, à une référence à une entrée dans l’annexe VI, partie 3, du règlement no 1272/2008 contenant la liste des classifications et étiquetages harmonisés des substances dangereuses et peut, ainsi, ne contenir aucune information relative à l’utilisation de la substance concernée.

78

En tout état de cause, il a déjà été constaté qu’il ne saurait être conclu que toutes les utilisations de l’acrylamide mentionnées par le Royaume des Pays‑Bas dans son dossier avaient un caractère intermédiaire (voir points 49 à 59 ci‑dessus).

79

Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

80

Les requérants font valoir que le traitement de l’acrylamide est disproportionné, parce que l’ECHA aurait disposé d’un choix de mesures et que le choix de l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante causerait des inconvénients excessifs par rapport au but poursuivi. Selon eux, la procédure d’identification est conçue afin de garantir qu’une attention particulière soit accordée aux substances les plus dangereuses. Certains types de substances comme les intermédiaires seraient exemptés du titre VII du règlement no 1907/2006, parce que ceux‑ci ne présenteraient pas le même niveau de risque que d’autres substances. Malgré cette intention du législateur, l’ECHA aurait utilisé cette procédure pour identifier une substance qui serait utilisée seulement en tant qu’intermédiaire, ce qui serait disproportionné. En outre, le risque encouru par les travailleurs au titre de l’exposition à l’acrylamide serait éliminé ou réduit en raison des réglementations spécifiques de l’Union relatives à la protection des travailleurs. Les autorités auraient eu la possibilité de choisir une mesure différente, à savoir ne pas agir, ce qui aurait été plus approprié et plus proportionné. En tout état de cause, l’ECHA aurait pu prévoir que l’acrylamide ne soit identifié comme une substance extrêmement préoccupante que dans la mesure où il n’est pas utilisé comme intermédiaire ou aurait pu décider que l’utilisation d’acrylamide fasse l’objet de restrictions prévues au titre VIII du règlement no 1907/2006.

81

Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Etimine, point 73 supra, EU:C:2011:504, point 124 et jurisprudence citée).

82

En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point précédent, il y a lieu de reconnaître à l’ECHA un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de natures politique, économique et sociale, et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Etimine, point 73 supra, EU:C:2011:504, point 125 et jurisprudence citée).

83

En l’espèce, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 que ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard au considérant 16 de ce règlement, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Pour ce qui est plus spécifiquement du but de la procédure d’autorisation, dont la procédure d’identification visée à l’article 59 dudit règlement fait partie, l’article 55 du règlement no 1907/2006 prévoit qu’elle vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 116).

84

En premier lieu, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle la décision attaquée n’est pas appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006, il convient de rappeler que la décision attaquée consiste en l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 dudit règlement. Lorsqu’une substance est identifiée comme extrêmement préoccupante, les opérateurs économiques concernés sont soumis à des obligations d’information (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 117).

85

S’agissant de l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement, il convient d’emblée de constater que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante sert à améliorer l’information du public et des professionnels sur les risques et les dangers encourus, et que, par suite, cette identification doit être considérée comme un instrument d’amélioration d’une telle protection (voir arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, poin 73 supra, EU:T:2013:106, point 118 et jurisprudence citée).

86

Pour ce qui est plus spécifiquement de l’argumentation des requérants selon laquelle la décision attaquée est inappropriée à cet égard dès lors que l’acrylamide serait seulement utilisé comme intermédiaire et donc exempté du titre VII du règlement no 1907/2006 en vertu de son article 2, paragraphe 8, sous b), il y a lieu de relever qu’il a déjà été constaté qu’il ne saurait être conclu que l’acrylamide était seulement utilisé en tant qu’intermédiaire (voir points 49 à 59 ci‑dessus). En tout état de cause, rien ne permet de conclure que des utilisations de l’acrylamide autres qu’intermédiaires sont exclues. L’identification de cette substance ne paraît donc pas manifestement inappropriée par rapport aux buts poursuivis.

87

Par conséquent, l’argumentation des requérants relative au prétendu caractère inapproprié de la décision attaquée doit être rejetée.

88

En second lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis dès lors que la possibilité de ne pas agir, l’adoption de restrictions prévues au titre VIII du règlement no 1907/2006 ou l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante uniquement dans la mesure où il n’est pas utilisé comme intermédiaire constitueraient des mesures moins contraignantes. Par ailleurs, selon les requérants, le risque encouru par les travailleurs est éliminé ou réduit en raison des règles relatives à la protection des travailleurs.

89

Premièrement, s’agissant de la possibilité de ne pas agir, les requérants affirment que celle‑ci serait plus proportionnée et moins contraignante dès lors que l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante ne serait pas conçue pour les intermédiaires, mais pour d’autres types de substances qui soulèveraient des préoccupations plus importantes. Cette argumentation doit être rejetée. En effet, étant donné qu’il ne saurait être conclu que l’acrylamide était seulement utilisé en tant qu’intermédiaire et que, en tout état de cause, rien ne permet de conclure que des utilisations de l’acrylamide autres qu’en tant qu’intermédiaires sont exclues (voir point 86 ci‑dessus), le fait de ne pas agir ne constitue pas une mesure aussi appropriée que l’identification de cette substance comme extrêmement préoccupante.

90

Deuxièmement, pour ce qui est des mesures de restriction concernant l’utilisation de l’acrylamide, d’une part, il convient de relever que le simple fait qu’une substance figure dans la liste des substances candidates n’empêche pas de soumettre cette substance à des restrictions plutôt qu’à une autorisation. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 58, paragraphe 5, et de l’article 69 du règlement no 1907/2006, la Commission ou un État membre peut toujours proposer que la fabrication, la mise sur le marché ou l’utilisation d’une substance soit contrôlée par des restrictions plutôt que par une autorisation (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 128). En l’espèce, il ressort notamment de l’arrêt Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, point 52 supra (EU:T:2013:53), que l’acrylamide faisait l’objet de restrictions pour les applications d’étanchéisation à partir du 5 novembre 2012.

91

En outre, ainsi qu’il ressort de l’annexe XVII du règlement no 1907/2006, les restrictions, adoptées conformément à la procédure visée au titre VIII dudit règlement, applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux, peuvent aller de conditions particulières imposées à la fabrication ou à la mise sur le marché d’une substance à une interdiction totale de l’utilisation d’une substance. À supposer même que les mesures de restriction soient également appropriées à la réalisation des objectifs poursuivis par ce règlement, celles‑ci ne constituent donc pas, en tant que telles, des mesures moins contraignantes par rapport à l’identification d’une substance qui n’entraîne que des obligations d’information (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 129).

92

Troisièmement, dans la mesure où les requérants estiment que la législation existant en matière de protection des travailleurs permet d’éliminer ou de réduire le risque encouru par ces derniers, il suffit de relever que celle‑ci, qui prévoit des mesures de gestion des risques pour les travailleurs, ne saurait constituer une mesure appropriée et moins contraignante à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006 relatifs au traitement des substances extrêmement préoccupantes et, notamment, à l’objectif de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables (voir point 83 ci‑dessus).

93

Quatrièmement, les requérants font valoir que l’ECHA aurait pu prévoir que l’acrylamide ne soit identifié comme une substance extrêmement préoccupante que dans la mesure où il n’était pas utilisé comme intermédiaire. À cet égard, il suffit de relever que le législateur a mis en place des règles particulières relatives aux intermédiaires à l’article 2, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 (voir point 48 ci‑dessus).

94

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être conclu que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité.

95

Le troisième moyen doit donc être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

96

Les requérants font valoir que l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante viole le principe d’égalité de traitement, parce que d’autres substances se trouvant dans une situation identique n’auraient pas fait l’objet d’une telle identification. Selon eux, l’acrylamide a été classifié parmi des substances cancérogènes et mutagènes de catégorie 2 et des substances toxiques pour la reproduction de catégorie 3 avec un nombre considérable d’autres substances qui auraient les mêmes propriétés ou des propriétés supérieures. Aucune motivation n’aurait été avancée concernant les raisons pour lesquelles l’acrylamide a été choisi et non d’autres substances présentant des propriétés identiques, bien qu’il soit constant qu’au moins 99 % de son utilisation serait exemptée de la procédure d’identification.

97

Il convient de relever que, par le règlement no 1907/2006, le législateur a institué un régime concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances visant, notamment, selon le considérant 1 dudit règlement, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. En particulier, le règlement no 1907/2006 prévoit, sous son titre VII, une procédure d’autorisation. L’objectif de cette procédure est, selon l’article 55 dudit règlement, d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 69).

98

La procédure d’autorisation s’applique à toutes les substances répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006. La première phase de la procédure d’autorisation consiste en l’identification des substances visées audit article pour laquelle une procédure en plusieurs étapes est prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006. Selon le considérant 77 dudit règlement, pour des raisons de faisabilité et de praticabilité, tant du côté des personnes physiques ou morales devant élaborer les dossiers de demande et prendre des mesures appropriées de gestion des risques que du côté des autorités devant traiter les demandes d’autorisation, il convient que seul un nombre limité de substances soit soumis simultanément à la procédure d’autorisation. S’agissant du choix de ces substances, l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1907/2006 prévoit qu’il revient à la Commission ou à l’État membre concerné d’estimer qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. Le législateur a donc laissé à la Commission et aux États membres un large pouvoir d’appréciation permettant une mise en œuvre progressive des règles relatives aux substances extrêmement préoccupantes visées au titre VII du règlement no 1907/2006 (arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 70).

99

Au vu de ce qui précède, la procédure d’identification ne confère donc à l’ECHA aucun pouvoir relatif au choix de la substance à identifier, cette prérogative incombant exclusivement à la Commission et aux États membres en application de l’article 59 du règlement no 1907/2006 (ordonnance du 22 mai 2014, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, C‑287/13 P, EU:C:2014:599, point 51, et arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 71).

100

En l’espèce, la procédure d’identification prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006 a été respectée en ce qui concerne le choix de la substance à identifier. En effet, il ressort du dossier que l’acrylamide a été choisi par le Royaume des Pays‑Bas dès lors qu’il a estimé que cette substance répondait aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. En outre, en l’absence de production d’un dossier élaboré par un État membre relatif à une substance ayant également des propriétés cancérogènes, mutagènes et toxiques ou de demande d’élaboration d’un tel dossier à l’ECHA par la Commission, l’ECHA ne peut procéder à l’identification de cette substance, conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, sans outrepasser ses pouvoirs. Il s’ensuit que, en identifiant l’acrylamide et non des substances prétendument comparables comme une substance extrêmement préoccupante, l’ECHA n’a pas violé le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, point 73 supra, EU:T:2013:106, point 72).

101

Enfin, s’agissant de l’argumentation selon laquelle aucune motivation n’aurait été avancée en ce qui concerne les raisons pour lesquelles l’acrylamide a été choisi et non d’autres substances présentant des propriétés identiques, bien qu’il soit constant qu’au moins 99 % de son utilisation serait exemptée de la procédure d’identification, il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que le Royaume des Pays‑Bas a présenté sa proposition d’identifier l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés cancérogènes et mutagènes. Dès lors que, en vertu de l’article 59, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, tout État membre peut élaborer un dossier conformément à l’annexe XV de ce règlement pour les substances pour lesquelles il estime qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement, aucune autre motivation n’était nécessaire.

102

Au vu de ce qui précède, étant donné que la légalité de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 n’a pas été contestée par les requérants et que l’ECHA a respecté cette procédure, le quatrième moyen doit être rejeté.

103

Par conséquent, le recours doit être rejeté comme non fondé.

Sur les dépens

104

Dans son arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 219 du règlement de procédure du Tribunal.

105

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

106

Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par l’ECHA, conformément aux conclusions de cette dernière. Le Royaume des Pays‑Bas et la Commission supporteront leurs propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG) et SNF SAS sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

 

3)

Le Royaume des Pays‑Bas et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

 

Dittrich

Dehousse

Schwarcz

Tomljenović

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2015.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.