Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 25 avril 2024 (1)

Affaire C646/22

Compass Banca SpA

contre

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

autres parties à la procédure :

Metlife Europe Dac,

Metlife Europe Insurance Dac,

Europ Assistance Italia SpA

(demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie))

(Demande de décision préjudicielle – Protection des consommateurs –Directive 2005/29/CE – Article 2, sous d), e) et j), et articles 5, 6, 8 et 9 – Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs – Interdiction – Notion de « pratique commerciale agressive » – Vente croisée de produits de prêt et de produits d’assurance non liés – Absence de tout intervalle entre la signature des deux contrats – Appréciation au cas par cas du caractère « agressif » de la pratique – Notion de « consommateur moyen » – Notion de « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » – Directive (UE) 2016/97 – Article 24 – Décision de l’autorité administrative d’imposer un intervalle de sept jours entre la signature des deux contrats – Absence de tout conflit avec cette disposition)






I.      Introduction

1.        « En pure logique libérale, les gens sont libres, égaux et assez grands pour s’entendre sans que l’État s’en mêle. La loi, cependant, tient compte de la réalité, et du fait que dans la réalité les parties [à un contrat de prêt] ne sont pas aussi libres et égales que dans la théorie libérale. » (2)

2.        Bon nombre des textes adoptés par le législateur de l’Union dans le domaine de la protection des consommateurs découlent de la même observation simple : il n’y a généralement pas d’égalité des armes entre les parties un contrat de consommation, notamment lorsque les parties se trouvent dans une relation débiteur-créancier. C’est la raison pour laquelle un « niveau élevé » de protection des consommateurs est requis.

3.        La directive 2005/29/CE (3), qui a pour objet de protéger les consommateurs contre les conséquences des pratiques commerciales « déloyales » qui « visent directement à influencer leurs décisions commerciales à l’égard de produits » (4), ne fait pas exception à ce principe général. En effet, elle vise à assurer « un niveau commun élevé de protection des consommateurs » (5), en interdisant de telles pratiques commerciales « déloyales », en particulier lorsqu’elles sont « trompeuses » ou « agressives » (6).

4.        Le litige au principal concerne une pratique commerciale adoptée par Compass Banca SpA (ci-après « Compass Banca »), l’appelante en l’espèce. Cette pratique consiste à vendre une police d’assurance à des clients qui sont déjà en train de contracter un prêt personnel auprès de cette société. L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité de la concurrence, Italie ; ci-après l’« AGCM »), défenderesse au principal, estime que les clients sont, en substance, « poussés à souscrire » la police d’assurance. À cet égard, elle fait valoir que le produit de prêt et la police d’assurance sont proposés conjointement et les contrats relatifs à ces produits respectifs sont signés simultanément par les clients. De plus, la police d’assurance fournit une couverture pour des événements personnels qui, bien qu’ils ne soient pas liés au contrat de prêt lui-même, pourraient (s’ils devaient se concrétiser) affecter la capacité des clients à rembourser leur prêt – éventualité qui influencerait leur décision d’acheter la police d’assurance.

5.        La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles une telle pratique commerciale de vente croisée peut être considérée comme « agressive » et, partant, « déloyale », au sens de la directive 2005/29. Elle invite également la Cour à apporter quelques réflexions plus larges sur la notion de « consommateur moyen », que les États membres et leurs juridictions ou autorités compétentes sont tenus, en vertu de cette directive, d’utiliser comme critère de référence.

II.    Cadre juridique

A.      Droit de l’Union

6.        L’article 2 de la directive 2005/29, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

e)      “altération substantielle du comportement économique des consommateurs”: l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ;

j)       “influence injustifiée”: l’utilisation d’une position de force vis‑à‑vis du consommateur de manière à faire pression sur celui‑ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative ;

… »

7.        L’article 5 de cette directive, intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales », dispose :

« 1.      Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.      Une pratique commerciale est déloyale si :

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

… »

8.        L’article 8 de la directive 2005/29, intitulé « Pratiques commerciales agressives », dispose :

« Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

9.        L’article 9 de cette directive, intitulé « Utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d’une influence injustifiée », est libellé comme suit :

« Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :

a)      le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ;

b)      le recours à la menace physique ou verbale ;

c)      l’exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit ;

… »

B.      Droit national

10.      L’article 20 du Decreto legislativo del 6 settembre 2005, n. 206, Codice del consumo (décret législatif no 206, portant code de la consommation) est intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales ». Il dispose :

« Une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière appréciable le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs. »

11.      L’article 24 de ce décret législatif concerne les « Pratiques commerciales agressives » et transpose les exigences contenues à l’article 8 de la directive 2005/29.

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

12.      Entre janvier 2015 et juillet 2018, Compass Banca a proposé à la vente à ses clients, outre différents types de prêts personnels, des polices d’assurance prévoyant la couverture de certains événements personnels sans lien avec le prêt. La souscription d’une police d’assurance n’était pas une condition préalable à l’octroi du prêt, mais elle était proposée conjointement avec ce produit. En outre, les contrats pour les deux produits ont été signés simultanément.

13.      Le 13 septembre 2018, l’AGCM a ouvert une enquête en vue de déterminer si cette pratique commerciale était « déloyale » au sens de la directive 2005/29.

14.      Au cours de l’enquête, pour éviter une amende, Compass Banca a accepté certaines des mesures proposées par l’AGCM. Parmi ces mesures figurait l’extension, à tous les clients, d’un droit inconditionnel de résilier leur contrat d’assurance (sans incidence sur leur contrat de prêt), entraînant la résiliation de la police d’assurance et le remboursement des primes d’assurance non utilisées.

15.      Par ailleurs, Compass Banca a rejeté la demande de l’AGCM de prévoir un intervalle de sept jours entre la signature des deux contrats. En effet, elle a considéré cette mesure comme disproportionnée. Toutefois, elle a proposé de contacter ses clients sept jours après la signature de leur contrat d’assurance pour confirmer qu’ils souhaitaient toujours conserver la police d’assurance, tout en ajoutant qu’elle couvrirait le coût de la prime d’assurance pendant la période correspondant à ces sept jours.

16.      L’AGCM a jugé ces engagements insuffisants. Par décision du 2 avril 2019, elle a constaté que Compass Banca avait mis en œuvre une pratique commerciale « agressive » et, partant, « déloyale », au sens de la directive 2005/29, consistant en un « croisement forcé, au moment de leur conclusion, de contrats de prêt personnel avec des produits d’assurance non liés au crédit dont l’établissement financier en question est l’intermédiaire ». Elle a interdit la poursuite de cette pratique et a infligé à Compass Banca une amende de 4 700 000 euros.

17.      Compass Banca a saisi le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) d’un recours contre la décision de l’AGCM. Cette juridiction a rejeté ce recours.

18.      Par la suite, Compass Banca a interjeté appel devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), la juridiction de renvoi.

19.      Compass Banca fait valoir que l’AGCM a considéré sa pratique commerciale comme étant « agressive » et, partant, « déloyale », au sens de la directive 2005/29, au seul motif que cette pratique consiste en la vente croisée de prêts personnels et de polices d’assurance, sans apporter la preuve concrète de ce caractère « agressif », eu égard aux spécificités de cette pratique ou des circonstances pertinentes.

20.      Compass Banca ajoute que, en raison de l’approche de l’AGCM, il lui incombe de démontrer que sa pratique commerciale n’est, en réalité, pas « agressive ». Un tel renversement de la charge de la preuve est, selon Compass Banca, injustifié et inacceptable.

21.      L’AGCM fait valoir que, en vendant de manière croisée des prêts personnels et des polices d’assurance, Compass Banca a significativement influencé et limité la liberté de choix de ses clients en ce qui concerne ses produits d’assurance. Elle constate que Compass Banca n’a notamment pas fourni d’informations à ses clients sur le caractère facultatif de la police d’assurance. Selon l’AGCM, la pratique adoptée par Compass Banca n’aurait pas été « agressive » si un intervalle de sept jours était intervenu entre la date de la signature des deux contrats.

22.      La juridiction de renvoi relève que la directive 2005/29 requiert d’utiliser le « consommateur moyen » comme critère de référence pour évaluer le caractère éventuellement « déloyal » d’une pratique commerciale.

23.      À cet égard, elle se demande si cette notion accorde suffisamment d’importance aux théories démontrant la nécessité d’une protection plus grande des consommateurs, en particulier la théorie de la « rationalité limitée ». Selon cette théorie, les personnes agissent souvent sans disposer de toutes les informations nécessaires, prennent des décisions irrationnelles (par rapport à celles qui seraient prises par une personne hypothétique « normalement informée et raisonnablement attentive et avisée ») et changent leurs préférences en fonction des différentes modalités de présentation, par le professionnel, des informations substantielles ou des alternatives à une action ou à un produit donné (7) (ci-après l’« effet de cadrage »).

24.      Au vu de ces éléments, la juridiction de renvoi fait observer que, bien que les événements personnels couverts par la police d’assurance vendue par Compass Banca (par exemple, des questions de santé) soient sans rapport avec le prêt personnel que cette société vend également, les offres conjointes portant sur ces deux produits sont « encadrées » par Compass Banca de manière à ce que les consommateurs puissent finir par croire qu’il n’est pas possible de conclure le contrat de prêt sans souscrire à la police d’assurance. Elle se demande si cette pratique doit, de ce fait, être considérée comme une pratique commerciale « agressive » et, partant, « déloyale » au sens de la directive 2005/29.

25.      Enfin, la juridiction de renvoi se demande si la solution du litige au principal est affectée par le fait que la pratique commerciale adoptée par Compass Banca consiste en la vente croisée d’un produit d’assurance (la police d’assurance) et d’un autre produit (le prêt personnel). À cet égard, elle fait observer que l’article 24, paragraphe 7 de la directive (UE) 2016/97 (8) (qui concerne spécifiquement la « distribution » des produits d’assurance) comporte des règles relatives à la vente croisée de produits d’assurance avec d’autres produits. Elle se demande si cette disposition s’oppose à ce que l’AGCM interdise la pratique commerciale de Compass Banca en application de la directive 2005/29.

26.      Dans ces circonstances, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de consommateur moyen figurant dans la directive [2005/29/CE], entendue comme désignant le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ne devrait-elle pas, en raison de sa souplesse et de son imprécision, être définie en fonction du meilleur état des connaissances et de l’expérience, de sorte qu’elle renverrait non seulement à la notion classique de l’« homo economicus », mais aussi aux apports [de la théorie] sur la rationalité limitée, qui ont démontré que les personnes agissent souvent en réduisant les informations nécessaires et en prenant des décisions “irrationnelles” par rapport à celles qu’aurait prises une personne qui serait, par hypothèse, attentive et avisée, apports qui justifient un niveau de protection plus élevé du consommateur en cas de risque d’influence cognitive, ce qui est de plus en plus courant dans les dynamiques de marché modernes ?

2)      Une pratique commerciale qui, en raison de l’encadrement des informations [framing (cadrage)], peut faire apparaître un choix comme obligatoire et n’offrant pas d’autre option peut-elle être considérée comme agressive en soi, compte tenu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, qui qualifie de trompeuse une pratique commerciale qui, d’une manière quelconque, induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen “y compris par sa formulation générale” ?

3)      La directive 2005/29 justifie-t-elle de permettre à l’autorité nationale de la concurrence [une fois constaté le risque d’influence psychologique lié : 1) à la situation de besoin dans laquelle se trouve normalement la personne qui demande un financement, 2) à la complexité des contrats soumis à la signature du consommateur, 3) à la présentation concomitante des offres croisées, 4) à la brièveté du délai accordé pour souscrire à l’offre] d’introduire une dérogation au principe de l’autorisation des ventes croisées de produits d’assurance et de produits financiers non liés, en imposant un intervalle de sept jours entre les signatures des deux contrats ?

4)      La directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil, du 20 janvier 2016 et, en particulier, l’article 24, paragraphe 3, de celle-ci, s’oppose-t-elle à ce que l’AGCM adopte une décision sur la base de l’article 2, initio et sous d) et j) et des articles 4, 8 et 9 de la directive 2005/29 ainsi que de la législation nationale de transposition après avoir rejeté une proposition d’engagements à la suite du refus opposé par une société de services d’investissement, en cas de vente croisée d’un produit financier et d’un produit d’assurance non lié au premier – et en cas de risque d’influence exercée sur le consommateur par les circonstances du cas d’espèce, en raison notamment de la complexité des documents à examiner – d’accorder au consommateur un délai de réflexion de sept jours entre la formulation de la proposition croisée et la souscription du contrat d’assurance ?

5)      Considérer comme une pratique agressive le simple croisement de deux produits financiers et d’assurance pourrait-il finir par constituer un acte réglementaire non autorisé et ne reviendrait-il pas à faire peser sur le professionnel (au lieu de l’AGCM qui devrait normalement la supporter) la charge de la preuve (difficile à rapporter) qu’il ne s’agit pas d’une pratique agressive, en violation de la directive 2005/29 (d’autant plus que celle-ci ne permet pas aux États membres d’adopter des mesures plus restrictives que celles qu’elle prévoit, même pour assurer un niveau plus élevé de protection des consommateurs) ou, au contraire, [faut-il considérer que] ce renversement de la charge de la preuve n’a pas lieu, à la condition que des éléments objectifs permettent de conclure que, face à une offre croisée complexe, le consommateur qui a besoin d’obtenir un financement risque concrètement de subir une influence ?

27.      La demande de décision préjudicielle, du 10 octobre 2022, a été enregistrée le 13 octobre 2022. Compass Banca, Europe Assistance Italia SpA (ci-après « Europe Assistance Italia »), le gouvernement italien et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Il n’y a pas eu d’audience.

IV.    Analyse

28.      Les cinq questions de la juridiction de renvoi portent toutes sur l’interprétation de la directive 2005/29 qui, comme je l’ai expliqué dans l’Introduction ci-dessus, interdit les pratiques commerciales « déloyales ». Comme l’indique l’article 5, paragraphe 2, de cette directive, une pratique commerciale est « déloyale » si elle est « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » (première condition) et « altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse » (seconde condition) (9).

29.      Il résulte de cette définition, ainsi que du considérant 18 de cette directive, que le caractère « déloyal » d’une pratique commerciale doit être apprécié en utilisant comme critère de référence le « consommateur moyen » qui est « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques » (10).

30.      Dans ce contexte, la première question de la juridiction de renvoi porte sur l’interprétation de la notion de « consommateur moyen » (A). Le cœur des quatre autres questions est le point de savoir si une pratique de vente croisée, telle celle mise en place par Compass Banca, est « agressive » et, partant, « déloyale » au sens de la directive 2005/29, et quelles mesures peuvent être ordonnées par l’autorité nationale compétente dans une telle situation. Je traiterai les deuxième (B) et cinquième questions (C), avant de répondre aux troisième (D) et quatrième questions (E).

A.      Sur la notion de « consommateur moyen » (question 1)

31.      Par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si la notion de « consommateur moyen », que la directive 2005/29 impose aux juridictions et aux autorités nationales d’utiliser comme critère de référence lorsqu’elles apprécient le caractère « déloyal » d’une pratique commerciale en application de cette directive, doit être comprise en se référant à la seule « notion classique » de « homo economicus », ou si d’autres théories qui démontrent la nécessité d’une plus grande protection des consommateurs, notamment la théorie de la « rationalité limitée », peuvent également être prises en compte.

32.      Pour déchiffrer le sens précis de cette question, je commencerai par expliquer ce que cette juridiction entend par la « notion classique » de « homo economicus » et la théorie de la « rationalité limitée ».

33.      L’expression « homo economicus » n’a jamais été employée par la Cour. Elle n’apparaît pas non plus dans la directive 2005/29. Elle a été inventée par des économistes néoclassiques (11), qui ont postulé l’existence d’un consommateur au comportement rationnel, qui vise à maximiser son « profit » (12) ou son « utilité personnelle » (13). Selon le modèle « homo economicus », le « consommateur moyen » est un acteur rationnel qui est confiant et proactif dans la collecte et le traitement d’informations avant de prendre des décisions commerciales (14) et qui exerce une supervision complète des conséquences de ses choix.

34.      En revanche, la théorie de la « rationalité limitée » postule que, en général, les gens sont limités dans leur capacité à assimiler des informations complexes et qu’ils ne prennent pas toujours en considération l’ensemble des informations fournies ou à leur disposition. Cette théorie a été introduite par les économistes comportementaux qui ont démythifier l’idée selon laquelle lequel les consommateurs font le meilleur choix pour eux-mêmes, même lorsqu’ils disposent de toutes les informations pertinentes (15).

35.      Au vu de ces éléments, je comprends que la première question trouve son origine dans l’argument, avancé par certains auteurs (16), selon lequel, dans le cadre de l’application de la directive 2005/29, la notion de « consommateur moyen » fait référence à une personne rationnelle qui est proactive dans l’obtention de toutes les informations pertinentes, qui traite rationnellement les informations qui lui sont fournies et qui est ainsi en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause (conformément au modèle « homo economicus »). Cette interprétation est dérivée du fait que le considérant 18 de la directive 2005/29 indique que le « consommateur moyen » doit être considéré comme étant « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

36.      Je comprends également que, par cette question, la juridiction de renvoi souhaite, en fin de compte, savoir dans quelle mesure la manière dont Compass Banca présente (ou « encadre ») les informations à ses clients joue un rôle dans l’appréciation du caractère « déloyal » de la pratique commerciale de cette société, au sens de cette directive. Si le « consommateur moyen » est une personne rationnelle et proactive dans l’obtention de toutes les informations pertinentes, qui traite de manière rationnelle les informations qui lui sont fournies (à l’instar d’un « homo economicus ») et qui est, ainsi, en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause, la manière dont les informations lui sont présentées par le professionnel ne sera pas de nature à « altérer de manière substantielle » son comportement économique, comme cela serait le cas s’il s’agissait d’une personne ayant une « rationalité limitée » qui agit sans obtenir toutes les informations pertinentes ou n’est pas en mesure de traiter les informations qui lui sont fournies de manière rationnelle.

37.      Ces remarques liminaires me permettent de rejeter l’allégation de Compass Banca selon laquelle la première question est irrecevable en raison de son caractère hypothétique. À cet égard, je rappelle que les questions préjudicielles posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence, qui ne peut être écartée qu’à titre exceptionnel, y compris lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (17). À la lumière de l’explication que je viens de donner et étant donné que la perspective du « consommateur moyen » est celle que doit adopter le Consiglio di Stato (Conseil d’État) pour déterminer si la pratique commerciale de Compass Banca est « agressive » et, partant, « déloyale » au sens de la directive 2005/29, il me semble évident que le problème soumis à la Cour dans le cadre de la première question n’est pas de nature hypothétique et est, en réalité, directement pertinent pour la solution du litige au principal.

38.      Ces précisions étant faites, j’expliquerai les raisons pour lesquelles je partage le point de vue, esquissé par le gouvernement italien et la Commission, selon lequel le « consommateur moyen », dans le cadre de l’application de la directive 2005/29, n’est pas nécessairement une personne qui correspond au modèle « homo economicus ». Ce concept est suffisamment souple pour qu’il soit perçu, dans certaines situations, comme une personne ayant une « rationalité limitée » qui agit sans avoir obtenu toutes les informations pertinentes ou n’est pas en mesure de traiter les informations qui lui ont été fournies de manière rationnelle. Plusieurs raisons m’amènent à cette conclusion.

39.      Premièrement, le considérant 18 de cette directive indique expressément que la notion de « consommateur moyen » dépend de l’évolution de la jurisprudence de la Cour et que « la notion de consommateur moyen n’est pas une notion statistique ». En outre, les juridictions et les autorités nationales doivent tenir compte des « facteurs sociaux, culturels et linguistiques » lorsqu’elles définissent le « consommateur moyen » par rapport à une pratique commerciale spécifique. Ce considérant indique également que ces juridictions et autorités doivent s’en remettre à « leur propre faculté de [jugement] » pour déterminer comment le « consommateur moyen » réagira face à une telle pratique.

40.      Il résulte de ces éléments que la notion de « consommateur moyen », dans le cadre de l’application de la directive 2005/29, est envisagée comme une notion souple, qui doit être adaptée en fonction des circonstances pertinentes. La détermination du « consommateur moyen », par rapport à une pratique commerciale spécifique, n’est pas censée constituer un simple exercice théorique. Des considérations plus réalistes doivent également être prises en compte. Celles-ci peuvent être liées, par exemple, à la complexité du domaine, aux connaissances à attendre du « consommateur moyen » à l’égard d’un produit donné ainsi qu’à la probabilité qu’il subisse un biais cognitif. À ce titre, il me semble que, si, dans certaines situations, le « consommateur moyen » peut être considéré comme capable d’agir de manière rationnelle et de prendre une décision en connaissance de cause, dans d’autres situations (par exemple, lorsqu’il s’agit d’un produit que le « consommateur moyen » tend à acheter de manière compulsive ou sous un stress émotionnel), il peut être considéré comme étant incapable de le faire.

41.      Deuxièmement, ce considérant indique que le « consommateur moyen » correspond au « consommateur typique ». En outre, les juridictions et les autorités nationales doivent, dans leur appréciation du caractère « déloyal » d’une pratique commerciale, déterminer « la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné ». Je comprends, à la lecture de ces termes, que ces juridictions et autorités ne sont pas tenues de déterminer quel serait le comportement économique d’un consommateur rationnel et proactif dans l’obtention des informations pertinentes, qui traite de manière rationnelle les informations qui lui sont présentées et qui est, ainsi, en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause (homo economicus). Elles sont seulement tenues d’examiner la « réaction typique » du « consommateur typique ». Cette interprétation est également celle retenue par la Commission dans ses « Orientations concernant l’interprétation de la [directive 2005/29] », dans lesquelles elle indique que ce « critère est fondé sur le principe de proportionnalité » et que « [l] e consommateur moyen auquel [cette directive] se réfère n’est en tout cas pas une personne ne nécessitant qu’un faible niveau de protection parce qu’elle est toujours en mesure de se procurer les informations disponibles et d’agir judicieusement en fonction de ces informations » (18).

42.      Je partage l’avis de la Commission selon lequel les termes « normalement » et « raisonnablement » figurant dans l’expression « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », utilisée au considérant 18 de la directive 2005/29, ne signifient pas « parfaitement » ni même « particulièrement ». À cet égard, je rappelle que, comme l’a indiqué l’avocat général Medina, « la notion de consommateur moyen est une fictio juris », qui « tend à réduire à un dénominateur commun des situations très variées » (19). Cette notion trouve son origine dans des affaires dans lesquelles la Cour a été amenée à mettre en balance le risque d’induire le consommateur en erreur et les exigences de la libre circulation des marchandises (20). Il s’agit d’un critère de référence objectif, qui est utilisé non seulement dans le cadre de la directive 2005/29, mais également dans de nombreux autres instruments du droit de la consommation de l’Union, ainsi que dans d’autres domaines du droit de l’Union (21). Je relève que la Cour a jugé, à propos de la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (22), que le critère du « consommateur moyen » ne saurait être réputé correspondre, notamment, ni à un consommateur moins avisé ou informé que ce consommateur moyen, ni à un consommateur mieux avisé ou informé que ce dernier (23). Je ne vois pas pourquoi ce critère devrait recevoir une interprétation différente dans le cadre de l’application de la directive 2005/29.

43.      À la lumière de ce contexte plus large, je comprends que les termes « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » figurant au considérant 18 de la directive 2005/29 n’ont pas pour finalité d’« élever le niveau » en ce qui concerne ce qui peut être attendu d’un consommateur moyen par rapport à une pratique commerciale donnée, en exigeant de ce dernier d’être systématiquement, ad minima, une personne rationnelle et proactive dans l’obtention des informations pertinentes, qui traite rationnellement les informations qui lui sont présentées et qui est, ainsi, en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause (à l’instar d’un « homo economicus »). Ces termes visent plutôt à assurer que les juridictions et les autorités nationales n’adoptent pas le point de vue d’un consommateur à ce point peu informé, peu attentif et avisé qu’il serait déraisonnable ou disproportionné de le protéger. À cet égard, je relève que, dans ses « Orientations concernant l’interprétation de la [directive 2005/29] » (24), la Commission a expressément exclu du champ de la protection uniquement le « consommateur très crédule, naïf ou superficiel », dont elle a estimé que la protection serait « disproportionnée et créerait un obstacle injustifié au commerce ». Il s’agit là d’un seuil minimal assez bas.

44.      Pour ce motif, je ne suis pas d’accord avec l’argument de Compass Banca selon lequel, du fait que la directive 2005/29 contient une disposition spécifique relative à la protection des groupes de consommateurs « particulièrement vulnérables » (à savoir l’article 5, paragraphe 3, de cette directive), le « consommateur moyen », auquel fait référence l’article 5, paragraphe 2, de ladite directive, est, quant à lui, une personne capable d’agir rationnellement en toutes circonstances. Selon moi, le fait que le législateur de l’Union ait entendu accorder une protection accrue aux « groupes particulièrement vulnérables » de consommateurs ne signifie pas qu’il n’a pas aussi entendu assurer un niveau élevé de protection aux consommateurs qui ne font pas partie de ces groupes ou qu’il les a considérés comme étant des personnes non vulnérables, parfaitement rationnelles en toutes circonstances.

45.      Troisièmement, l’objectif de la directive 2005/29, qui est d’assurer un « niveau élevé de protection des consommateurs », confirme, selon moi, cette interprétation. En effet, cette fonction de protection – qui, comme je l’ai relevé dans l’Introduction, est l’épine dorsale non seulement de cette directive, mais aussi de nombreux textes adoptés par le législateur de l’Union dans le domaine de la protection des consommateurs – ne serait pas requise si le « consommateur moyen » devait toujours être compris au sens du modèle « homo economicus ». Au risque d’affirmer l’évidence, il me semble que le législateur de l’Union n’aurait pas adopté la directive 2005/29 (qui vise à protéger les consommateurs contre des pratiques susceptibles d’« altérer de manière substantielle leur comportement économique »), s’il avait considéré que les consommateurs étaient toujours capables d’agir rationnellement.

46.      À cet égard, je relève que la Cour a déjà expressément reconnu que le comportement économique des consommateurs peut être affecté par des pratiques commerciales qui exploitent leurs biais cognitifs (25). De plus, la directive 2005/29 contient plusieurs termes et expressions qui laissent entendre que les consommateurs peuvent être manipulés et souffrent de tels biais (par exemple, les termes « faire pression » à l’article 2, sous j) ; « altération substantielle » à l’article 2, sous e), et à l’article 5, paragraphe 2 ; « induit en erreur » à l’article 6 ou « influence » aux articles 8 et 9).

47.      Quatrièmement, il est vrai que la Cour a déclaré, dans l’arrêt Deroo-Blanquart (26) (affaire qui concernait une pratique commerciale consistant à vendre un ordinateur équipé de logiciels préinstallés), que les exigences de loyauté posées par la directive 2005/29 peuvent être considérées comme satisfaites « moyennant notamment une information correcte du consommateur ». Toutefois, je ne crois pas que cette affirmation ait été fondée sur l’idée que les consommateurs agiraient nécessairement rationnellement si on leur présentait (ou s’ils avaient accès à) toutes les informations pertinentes (conformément au modèle « homo economicus »). Dans cet arrêt, la Cour s’est contentée de constater que le fait que le consommateur avait été correctement informé était l’une des circonstances susceptibles d’établir que les exigences en termes de pratique de marché honnête ou le principe de bonne foi avaient été satisfaites (27).

48.      Enfin, je suis d’accord avec le fait que l’un des objectifs essentiels de la directive 2005/29 est de protéger l’aptitude des consommateurs à prendre des décisions en connaissance de cause. Cet objectif est illustré, par exemple, à l’article 2, sous e), de cette directive, qui fait référence à une pratique commerciale « compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement » (28). L’article 2, sous j), de ladite directive, qui définit la notion d’« influence injustifiée », mentionne également « l’aptitude [du consommateur] à prendre une décision en connaissance de cause ». En outre, l’article 7 de la directive 2005/29 (intitulé « Omissions trompeuses ») repose sur la logique selon laquelle plus d’informations sont fournies au consommateur, moins ce dernier est susceptible d’être induit en erreur. Toutefois, je ne comprends pas ces dispositions en ce sens que le « consommateur moyen » est une personne qui, en l’absence de la pratique commerciale « déloyale », prendrait nécessairement une telle décision en connaissance de cause (comme le ferait un « homo economicus »). En effet, l’article 2, sous e) et j), de la directive 2005/29 se borne à indiquer qu’une pratique est « déloyale » si elle compromet sensiblement l’aptitude (ou le potentiel) du consommateur à prendre une telle décision.

49.      Au vu de ces éléments, je suis d’avis que le « consommateur moyen », que les juridictions et les autorités nationales sont tenues, en vertu de la directive 2005/29, d’utiliser comme « critère de référence », n’est pas nécessairement une personne rationnelle et proactive dans l’obtention des informations pertinentes, qui traite rationnellement les informations qui lui sont présentées et qui est, ainsi, en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause. Alors que, dans certaines situations, le « consommateur moyen » peut être une telle personne, cette notion est suffisamment souple pour que le consommateur puisse être perçu, dans d’autres situations, comme une personne ayant une « rationalité limitée », qui agit sans obtenir les informations pertinentes ou qui n’est pas en mesure de traiter rationnellement les informations qui lui sont fournies (y compris celles qui lui sont présentées par le professionnel).

50.      Dans la section suivante, j’examinerai notamment l’importance de ce dernier élément (la manière dont les informations sont présentées au consommateur par le professionnel) dans le contexte spécifique des articles 8 et 9 de la directive 2005/29.

B.      L’appréciation du caractère « agressif » d’une pratique commerciale par laquelle le professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement acheter les deux produits ensemble (question 2)

51.      La deuxième question porte sur le point de savoir si une pratique commerciale consistant à ce que le professionnel non seulement vende de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement acheter ensemble les deux produits est « agressive » en soi, au sens de la directive 2005/29.

52.      J’observe tout d’abord que, bien que la juridiction de renvoi s’interroge sur le caractère « agressif » d’une telle pratique, elle ne se réfère qu’à une seule disposition, à savoir l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, qui énumère les conditions dans lesquelles une pratique commerciale peut être considérée comme étant « trompeuse » (et non pas « agressive »). L’article 5, paragraphe 4, de cette directive indique clairement que les pratiques commerciales « trompeuses » et « agressives » sont deux types distincts de pratiques commerciales « déloyales » (29). Comme les parties au principal et les parties intéressées l’ont toutes relevé dans leurs observations, les pratiques commerciales « agressives » ne sont pas couvertes par l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29 (30), mais par les articles 8 et 9 de celle-ci. Aussi, je propose à la Cour de reformuler la seconde question préjudicielle en y incluant une référence uniquement à ces dispositions.

53.      Deuxièmement, je rappelle que la Cour a déjà jugé que les offres conjointes, qui se fondent sur la conjonction d’au moins deux produits ou services distincts en une seule offre, sont des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci. Il s’ensuit qu’elles constituent bien des pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 et relèvent, en conséquence, du champ d’application de celle-ci (31). Il en va de même, en toute logique, des pratiques commerciales consistant en la vente croisée de deux produits (c’est-à-dire lorsque non seulement deux produits sont proposés par le professionnel au client en même temps, mais également que les ventes liées à ces deux produits sont conclues simultanément). En effet, la Cour n’opère pas de distinction claire entre ces deux pratiques commerciales (32).

54.      En outre, la Cour a déjà jugé que la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une interdiction générale et préventive des offres conjointes indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard des critères posés aux articles 5 à 9 de ladite directive (33). Selon moi, le même raisonnement peut, sans difficulté, être appliqué à une pratique commerciale consistant en la vente croisée de deux produits. Une telle pratique ne peut ainsi faire l’objet d’une interdiction générale, ni ne saurait être considérée comme déloyale en toutes circonstances.

55.      Ces précisions étant apportées, je relève que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi ne se borne pas à demander si une pratique commerciale consistant en la vente croisée de deux produits est en soi « agressive », au sens de la directive 2005/29. Elle se demande plutôt si une pratique commerciale par laquelle le professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’acheter conjointement les deux produits correspond à cette définition. Je comprends que, par l’expression « en soi », la juridiction de renvoi entend « en toutes circonstances », indépendamment des autres caractéristiques de la pratique commerciale et du contexte pertinent.

56.      S’agissant des articles 8 et 9 de la directive 2005/29, je relève que la première de ces dispositions précise que l’appréciation du caractère « agressif » d’une pratique commerciale, au sens de ces dispositions, doit se fonder sur « son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ». Les autorités nationales compétentes doivent analyser, au regard de ces différents éléments, si la pratique commerciale en cause « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative […] la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard du produit et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ». À cet égard, la Cour a déjà confirmé que l’article 8 de la directive 2005/29 implique une obligation de prise en compte de toutes les caractéristiques du comportement du professionnel dans le contexte factuel en cause (34).

57.      En outre, la pratique doit recourir au « harcèlement, à la contrainte, y compris à la force physique, ou à une influence injustifiée », au sens de l’article 9 de cette directive (35). Cette disposition contient une liste de circonstances (tels le moment, l’endroit, la nature ou la persistance de la pratique) qui sont pertinentes pour vérifier si cette dernière exigence est satisfaite.

58.      Selon moi, le libellé des articles 8 et 9 de la directive 2005/29 indique déjà que le caractère « agressif » d’une pratique commerciale dépend généralement d’une appréciation contextuelle. Certes, il ne saurait être exclu, au regard de ces dispositions, que certaines pratiques commerciales soient réputées « agressives » en soi et, partant, « déloyales », au sens de cette directive. Toutefois, il me semble évident que, si elles existent, de telles pratiques constitueraient l’exception plutôt que la règle.

59.      Cette interprétation est ensuite confirmée par l’annexe I à la directive 2005/29, qui contient une sorte de « liste noire » de certaines pratiques réputées « déloyales » en toutes circonstances. Elle énumère, d’une part, les pratiques commerciales pouvant être considérées en toutes circonstances comme « trompeuses » et, d’autre part, aux points 24 à 31 de cette annexe, les pratiques qui doivent être qualifiées d’« agressives » (à nouveau, en toutes circonstances). Aucune des pratiques commerciales énumérées à ces points et relatives à cette seconde catégorie ne fait référence à, ni n’inclut, une pratique par laquelle le professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement acheter les deux produits ensemble.

60.      À cet égard, l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2005/29 précise que « [l]’ annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances » et que « [c]ette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de [cette] directive ». En outre, le considérant 17 de ladite directive prévoit que l’annexe I de celle-ci « contient […] la liste complète de toutes ces pratiques » et qu’« il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 ». Au vu de ces éléments, je comprends que la liste des pratiques commerciales fournie dans cette annexe est exhaustive (36).

61.      J’ajoute que la Cour a jugé que la directive 2005/29 « procède à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs et que les États membres ne peuvent donc pas adopter, comme le prévoit expressément l’article 4 de [cette directive], des mesures plus restrictives que celles définies par [ladite] directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs » (37).

62.      Au vu de ces éléments, il me semble évident qu’une pratique commerciale par laquelle le professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement acheter les deux produits ensemble ne saurait être considérée comme étant en soi « agressive », au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29. En effet, cette pratique ne figure pas à l’annexe I à cette directive. Dès lors, les juridictions et les autorités nationales doivent analyser le caractère « agressif » d’une telle pratique à la lumière des exigences énoncées auxdits articles – dont il découle, entre autres, que la pratique commerciale doit être examinée « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ».

63.      Toutes les parties et parties intéressées dans la présente affaire se rangent à cette conclusion.

64.      Je souhaite faire une autre observation.

65.      Je comprends, à la lecture de la demande de décision préjudicielle, que la raison pour laquelle la juridiction de renvoi mentionne, dans la deuxième question, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, plutôt que l’article 8 de cette directive, est que l’article 6, paragraphe 1, se réfère explicitement à la « présentation générale » des informations fournies aux consommateurs, en tant qu’élément pertinent pour déterminer si une pratique commerciale est « trompeuse ». Comme je l’ai déjà relevé au point 50 des présentes conclusions, cette juridiction semble, selon moi, se demander si la manière dont les informations sont présentées (ou « encadrées ») par le professionnel est également pertinente dans le cadre de l’application des articles 8 et 9 de la directive 2005/29.

66.      Selon moi, la réponse à cette question sous-jacente peut être aisément déduite des éléments que j’ai énumérés aux points 52 à 62 des présentes conclusions.

67.      En effet, l’article 8 de la directive 2005/29 exige, comme je viens de l’expliquer, que, lorsque les autorités nationales compétentes apprécient le caractère « agressif » d’une pratique commerciale, elles tiennent compte, notamment, de l’ensemble des « caractéristiques » d’une telle pratique. Je considère, comme le fait également le gouvernement italien, que la manière dont les informations sont présentées ou « encadrées » par le professionnel à destination de ses clients constitue une telle « caractéristique » pertinente.

68.      À cet égard, j’ajoute que l’« influence injustifiée » est définie, à l’article 2, sous j), de la directive 2005/29, comme étant « l’utilisation d’une position de force vis-à-vis du consommateur de manière à faire pression sur celui-ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative ». Il s’ensuit, selon moi, qu’une « influence injustifiée » peut être exercée par divers moyens, y compris la manière dont le professionnel présente (ou « encadre ») l’offre proposée au consommateur.

69.      En outre, dans sa jurisprudence, notamment dans l’arrêt Orange Polska (38), la Cour a déjà souligné l’importance de la présentation des informations au consommateur dans le cadre de l’application des articles 8 et 9 de la directive 2005/29. Dans cet arrêt, la Cour a confirmé que des pratiques additionnelles relatives à la présentation de l’information par le professionnel au consommateur dans le cadre du processus de conclusion ou de modification d’un contrat (par exemple, une pratique par laquelle le professionnel ou son coursier insiste sur la nécessité de signer le contrat en annonçant que tout retard dans la signature du contrat n’est possible qu’à des conditions moins favorables) peuvent conduire à considérer qu’une pratique commerciale, qui n’est pas en soi « agressive », soit considérée comme « agressive » dans une telle situation (39).

70.      Au vu de ces éléments, il me semble évident que la manière dont les informations sont présentées (ou « encadrée ») par le professionnel à destination du consommateur constitue une « caractéristique » d’une pratique commerciale, dont il convient de tenir compte dans le cadre de l’appréciation du caractère « agressif » et, partant, « déloyal », au sens de la directive 2005/29.

71.      Il s’ensuit que, dans le cadre de cette appréciation relative à une pratique commerciale par laquelle le professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement acheter les deux produits ensemble, les autorités nationales compétentes doivent tenir compte de cette circonstance. En faisant un lien avec les éléments que j’ai exposés dans la section précédente, je suis d’avis qu’il convient d’accorder une importance particulière à ladite circonstance dans une situation où il convient de considérer que le « consommateur moyen » (pour des raisons liées, par exemple, à la complexité du domaine auquel se rattachent les produits ou à la pression économique à laquelle il fait face au moment où il achète les produits) est une personne ayant une « rationalité limitée », qui agit sans obtenir les informations pertinentes ou qui n’est pas en mesure de traiter rationnellement les informations qui lui sont fournies (y compris celles qui lui sont présentées par le professionnel).

C.      Les doutes de la juridiction de renvoi quant à la charge de la preuve (question 5)

72.      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la réponse à apporter à l’argument de Compass Banca selon lequel le fait que l’AGCM constate que sa pratique commerciale est « agressive » au seul motif qu’elle consiste en la vente croisée de deux produits conduit à un renversement injustifié et inacceptable de la charge de la preuve, qui ne pèse plus sur l’AGCM, mais sur Compass Banca.

73.      Selon moi, la réponse à la cinquième question ne pose pas beaucoup de difficultés. En effet, j’ai déjà expliqué, dans ma réponse à la deuxième question, qu’une pratique commerciale ne saurait être considérée comme étant en soi « agressive », au sens de la directive 2005/29, et être interdite du seul fait qu’elle consiste en la vente croisée de deux produits. Au contraire, les autorités nationales compétentes doivent analyser le caractère « agressif » d’une telle pratique à la lumière des exigences énoncées aux articles 8 et 9 de cette directive (c’est-à-dire « au cas par cas », chaque pratique étant examinée « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances »).

74.      Il me semble évident qu’une telle situation n’implique pas pour le professionnel une charge de la preuve (un renversement de celle-ci) inacceptable. En fait, la charge de la preuve n’est nullement transférée au professionnel, dès lors qu’il incombe aux autorités nationales compétentes d’établir le caractère « agressif » et, partant, « déloyal » de la pratique commerciale en cause. Je note qu’Europe Assistance Italia, la Commission et le gouvernement italien partagent tous ce point de vue.

D.      La possibilité pour les autorités nationales compétentes d’imposer un intervalle de sept jours entre la signature des contrats ayant pour objet produits faisant l’objet d’une vente croisée (question 3)

75.      Dans les sections précédentes, j’ai établi qu’une pratique commerciale consistant en la vente croisée de deux produits ne saurait être considérée comme étant en soi « agressive », au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29, et qu’il en va de même d’une pratique commerciale par laquelle le professionnel non seulement vend deux produits de manière croisée, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement accepter les deux produits ensemble.

76.      Toutefois, cela ne signifie pas que de telles pratiques ne peuvent jamais être considérées comme « agressives » au sens de ces dispositions. Tout dépend de la question de savoir si la pratique commerciale en cause est, « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances », une pratique qui recourt au « harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée » et qui « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative […] la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard du produit et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».

77.      La troisième question suppose que la pratique commerciale mise en œuvre par Compass Banca – qui consiste en la vente croisée de deux produits – est « agressive », compte tenu des éléments suivants : i) le fait qu’un demandeur de prêt demande un prêt parce qu’il est dans le besoin ; ii) la complexité des contrats proposés par Compass Banca à la signature de ses clients ; iii) la nature concurrente des offres relatives aux contrats de prêt personnel et d’assurance ; et iv) la courte période accordée pour accepter ces offres.

78.      Je suis d’accord avec la juridiction de renvoi pour dire que ces différents éléments (ainsi que le fait que, comme je le comprends, Compass Banca présente ou « encadre » les informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils n’ont d’autre choix que d’accepter le contrat d’assurance en même temps que le contrat de prêt) sont pertinents pour établir l’« influence injustifiée » au sens de l’article 9 de la directive 2005/29.

79.      En effet, parmi les éléments énumérés dans cette disposition figurent le « moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature ou sa persistance », ainsi que « l’exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur […] propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit ». À mon avis, dans une situation telle que celle en cause au principal, ce dernier élément pourrait inclure le fait que le professionnel mentionne au consommateur des événements personnels (liés, par exemple, à sa santé) qui – s’ils devaient se concrétiser – pourraient affecter sa capacité à rembourser un prêt qu’il a contracté auprès du professionnel.

80.      Quant à la question de savoir si ces éléments suffisent à établir que la pratique mise en œuvre par Compass Banca non seulement recourt à une « influence injustifiée », au sens de l’article 9 de la directive 2005/29, mais également « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative […] la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard du produit », l’amenant ainsi à prendre une décision commerciale qu’il « n’aurait pas prise autrement » (conformément aux exigences énoncées à l’article 8 de la directive 2005/29), je suis d’avis que la réponse à cette question dépend du point de savoir si cette pratique présente d’autres caractéristiques ou circonstances pertinentes qui atténuent ou, au contraire, aggravent l’incidence desdits éléments sur la « liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen ». Il incombe à la juridiction de renvoi d’établir ce point.

81.      Dans ce contexte, je comprends que la troisième question concerne, en substance, les mesures qu’une autorité nationale, telle l’AGCM, peut prendre dans une situation où elle conclut effectivement qu’une pratique commerciale, telle celle mise en œuvre par Compass Banca, satisfait à ces exigences. Dans ces conditions, une telle autorité peut-elle imposer un intervalle de sept jours entre la signature des contrats relatifs aux deux produits ?

82.      À mon avis, la réponse à cette question est, là encore, évidente au regard de l’ensemble des éléments que j’ai exposés dans les sections précédentes.

83.      En effet, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2005/29 prévoit, dans des termes non équivoques, que « [l] es pratiques commerciales déloyales sont interdites ». Je ne vois pas pourquoi – si une pratique consistant en la vente croisée de deux produits est, au regard de l’ensemble de ses caractéristiques et des circonstances pertinentes, « agressive » et, partant, « déloyale » au sens de cette directive – cette interdiction ne pourrait pas être atteinte en exigeant que la signature des deux contrats soit séparée par un intervalle de sept jours, afin que les deux ventes aient effectivement lieu à des dates différentes et raisonnablement éloignées l’une de l’autre.

E.      La conséquence du fait que les produits sont des produits financiers et d’assurance (question 4)

84.      La quatrième question est liée au fait que les produits vendus de manière croisée par Compass Banca dans l’affaire au principal consistent, en partie, en des produits d’assurance. La juridiction de renvoi cherche à obtenir des éclaircissements sur le point de savoir si, compte tenu de la nature de ces produits, l’AGCM peut encore imposer un intervalle de sept jours entre la signature du contrat de prêt et celle du contrat d’assurance proposé par cette société, en application de la directive 2005/29. Elle relève que l’article 24 de la directive 2016/97 soumet les « distributeurs » (40) de produits d’assurance qui sont vendus de manière croisée avec d’autres produits à certaines obligations spécifiques (41). Cette juridiction s’interroge, en substance, sur l’existence d’un conflit entre cette disposition et la directive 2005/29.

85.      Je relève que, dans la quatrième question et la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi mentionne uniquement l’article 24, paragraphes 3 et 7, de la directive 2016/97. Toutefois, j’envisagerai l’ensemble de l’article 24 dans mon analyse de cette question.

86.      Quant à la question d’un conflit entre la directive 2005/29 et cette disposition, j’observe, premièrement, que l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 prévoit que, « en cas de conflit entre les dispositions de [cette directive] et d’autres règles [de l’Union] régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques » (42).

87.      Deuxièmement, je rappelle que la Cour a déjà précisé que le terme « conflit » figurant dans cette disposition vise « un rapport entre les dispositions concernées allant au-delà de la simple disparité ou de la simple différence, faisant apparaître une divergence impossible à surmonter au moyen d’une formule combinée rendant possible la coexistence de deux situations sans devoir les dénaturer ». Elle a déclaré qu’« un conflit tel que celui visé à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 n’existe que lorsque des dispositions étrangères à cette dernière régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales imposent aux professionnels, sans aucune marge de manœuvre, des obligations incompatibles avec celles établies par la directive 2005/29 » (43).

88.      Troisièmement, je comprends, comme le fait également Compass Banca, que l’article 24 de la directive 2016/97 impose des obligations aux « distributeurs de produits d’assurance » dans deux situations. La première situation est celle où un « produit d’assurance » est proposé « avec un produit ou un service accessoire qui n’est pas une assurance, dans le cadre d’un lot ou du même accord » (44). Les sous-dispositions applicables à cette situation sont les suivantes :

–        le distributeur d’assurances indique au client s’il est possible d’acheter séparément les diverses composantes et, dans l’affirmative, fournit une description adéquate de chacune des composantes de l’accord ou du lot, ainsi que des justificatifs séparés des coûts et des frais liés à chaque composante (article 24, paragraphe 1) ;

–        le distributeur d’assurances précise les exigences et les besoins du client à l’égard des produits d’assurance qui font partie du lot global ou du même accord (article 24, paragraphe 6) ; et

–        les États peuvent maintenir ou adopter des mesures supplémentaires plus strictes ou intervenir au cas par cas pour interdire la vente d’une assurance avec un service ou un produit accessoire qui n’est pas une assurance, dans le cadre d’un lot ou du même accord, lorsqu’ils peuvent démontrer que de telles pratiques portent préjudice aux consommateurs (article 24, paragraphe 7).

89.      Parmi les trois sous-dispositions que je viens de mentionner, seule la dernière (article 24, paragraphe 7) me paraît potentiellement incompatible avec les dispositions de la directive 2005/29. En effet, comme je l’ai expliqué dans la section précédente, cette directive doit être interprétée en ce sens que, si une pratique commerciale n’est pas expressément mentionnée à son annexe I, elle ne saurait être interdite au motif qu’elle est en soi « déloyale » (c’est-à-dire « déloyale » en toutes circonstances).

90.      Cela étant, je considère que l’article 24, paragraphe 7, de la directive 2016/97 ne requiert pas des États membres qu’ils introduisent une telle interdiction générale, ni même ne les y autorise. En effet, cette disposition se limite à prévoir que la vente croisée de produits d’assurance et de produits ou de services accessoires « peut » être interdite « au cas par cas » par les États membres, lorsqu’ils peuvent démontrer qu’une pratique porte préjudice aux consommateurs.

91.      J’ajouterais que cette interprétation stricte est corroborée, selon moi, par le considérant 53 de la directive 2016/97, qui prévoit que « [l]a vente croisée est une stratégie communément utilisée par les distributeurs de produits d’assurance dans l’ensemble de l’Union [européenne] » et reconnaît que, si de telles pratiques peuvent « prendre la forme de pratiques dans lesquelles [l’] intérêt [du client] est insuffisamment pris en considération », elles peuvent également « [lui] procurer des avantages ».

92.      En tout état de cause, l’article 24, paragraphe 7, de la directive 2016/97 ne s’applique que si i) le produit d’assurance peut être qualifié de produit « essentiel » ou « principal » et l’autre produit ou service d’« auxiliaire » ou d’« accessoire » ; et ii) les deux produits sont « proposés […] dans le cadre d’un lot ou du même accord ». Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier le point de savoir si les produits proposés par Compass Banca satisfont à ces exigences. Toutefois, au vu des éléments du dossier, je doute que le prêt personnel que cette société propose à ses clients puisse être considéré comme « accessoire » à la police d’assurance qu’elle leur propose d’acheter conjointement. En tout état de cause, le contraire me semble davantage conforme à la réalité, dès lors que la pratique commerciale de Compass Banca consiste à vendre une police d’assurance à des clients qui sont déjà en train de contracter un prêt personnel auprès de cette société.

93.      La seconde série d’obligations énumérées à l’article 24 de la directive 2016/97 s’applique lorsqu’un « produit d’assurance est un produit accessoire à un bien ou à un service qui n’est pas une assurance dans le cadre d’un lot ou du même accord » (hypothèse qui, comme je viens de l’expliquer, semble mieux correspondre aux faits en cause dans l’affaire au principal). Les sous-dispositions applicables sont les suivantes :

–        le distributeur de produits d’assurance donne au client la possibilité d’acheter le bien ou le service séparément (sauf si le produit ou le service par rapport auquel le produit d’assurance est accessoire relève de dispositions spécifiques de certaines autres directives) (article 24, paragraphe 3) ; et

–        le distributeur de produits d’assurance précise les exigences et les besoins du client à l’égard des produits d’assurance qui font partie du lot global ou du même accord (article 24, paragraphe 6).

94.      À nouveau, je ne vois pas d’incompatibilité entre les obligations prévues par ces sous-dispositions et les règles contenues dans la directive 2005/29. Notamment, je relève que l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2016/97 n’impose pas aux autorités nationales compétentes d’aller au-delà de ce que la directive 2005/29 exige, par exemple, en indiquant qu’elles doivent de manière générale interdire la vente croisée de produits d’assurance qui sont accessoires à d’autres produits ou services (y compris des produits financiers). En effet, cette disposition se limite à exiger que, si de tels produits et/ou services font l’objet d’une « vente croisée » aux consommateurs, ceux-ci ont également la possibilité de les acheter séparément.

95.      Cette disposition ne requiert pas non plus de ces autorités de faire moins que ce qu’elles sont autorisées à faire au titre de la directive 2005/29. Plus spécifiquement, je suis d’avis que l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2016/97 ne s’oppose pas à ce qu’une autorité nationale compétente, telle l’AGCM, impose un intervalle de sept jours entre la signature des deux contrats relatifs, respectivement, à un prêt personnel et à une police d’assurance offerts conjointement par le même professionnel, lorsqu’une telle pratique, « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances », s’avère être « agressive » et, partant, « abusive » au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29.

96.      Dans ces circonstances, je propose que la Cour réponde à la quatrième question en ce sens qu’il n’y a pas de conflit entre les dispositions de la directive 2005/29 et celles de l’article 24 de la directive 2016/97. Celles-ci n’imposent pas aux autorités nationales compétentes d’aller au-delà de ce qu’exige la directive 2005/29, par exemple en interdisant de manière générale une pratique commerciale consistant en la vente croisée d’un prêt personnel et d’une police d’assurance. Elle ne s’oppose pas non plus à ce que ces autorités imposent un intervalle de sept jours entre la signature des deux contrats relatifs à ces produits, si la pratique commerciale en cause, « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances », s’avère « agressive » et, partant, « déloyale » au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29.

97.      Je terminerai la présente section en disant quelques mots sur le fait que les produits que Compass Banca propose à la vente croisée à ses clients sont non seulement des « produits d’assurance » au sens de la directive 2016/97, mais également des produits financiers. La disposition applicable à cet égard est l’article 3, paragraphe 9, de la directive 2005/29. Celui-ci prévoit que « [p]our ce qui est des “services financiers”, au sens de la directive 2002/65/CE (45), […] les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par la [directive 2005/29] dans le domaine dans lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur ». Un « service financier » est défini à l’article 2, sous b), de la directive 2002/65 comme étant « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements ». Ces services incluent la vente à la fois d’un prêt personnel et d’une police d’assurance, tels ceux que vend Compass Banca à ses clients.

98.      J’en déduis que, si le législateur italien, sur le fondement de la lex specialis contenue à l’article 3, paragraphe 9, de cette directive, avait décidé d’adopter une mesure prévoyant une interdiction générale d’une vente croisée d’un prêt personnel et d’une police d’assurance (élément qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier), une telle mesure aurait été compatible avec ladite directive.

99.      Je relève que Compass Banca et Europe Assistance Italia font cependant valoir qu’une telle mesure n’a pas été adoptée par le législateur italien (46). Partant, il me semble que l’article 3, paragraphe 9, de la directive 2005/29 n’affecte pas les conclusions auxquelles je suis parvenu dans les sections précédentes.

V.      Conclusion

100. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions déférées à titre préjudiciel par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) comme suit :

1)      La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales)

doit être interprété en ce sens que le « consommateur moyen » n’est pas nécessairement une personne rationnelle et proactive dans l’obtention des informations pertinentes, qui traite rationnellement les informations qui lui sont présentées et qui est, ainsi, en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause. Alors que, dans certaines situations, le « consommateur moyen » peut être considéré comme capable d’agir de manière rationnelle et de prendre une décision en connaissance de cause, cette notion est suffisamment souple pour que le consommateur soit perçu, dans d’autres situations, comme une personne ayant une « rationalité limitée », qui agit sans obtenir les informations pertinentes ou qui n’est pas en mesure de traiter rationnellement les informations qui lui sont fournies, y compris celles qui lui sont présentées par le professionnel.

2)      Les articles 8 et 9 de cette directive doivent être interprétés en ce sens que

n’est pas en soi « agressive », au sens de ces dispositions, une pratique commerciale par laquelle un professionnel non seulement vend de manière croisée deux produits, mais également présente des informations à ses clients d’une manière qui leur fait croire qu’ils doivent nécessairement accepter les deux produits ensemble. Les autorités compétentes des États membres doivent apprécier une telle pratique commerciale « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances » pour déterminer si elle satisfait aux exigences posées par ces dispositions. La charge de la preuve n’est pas transférée au professionnel. Toutefois, si, à la fin de cette appréciation, ces autorités concluent que la pratique commerciale est « agressive » au sens desdites dispositions, elles doivent l’interdire. À cet égard, elles peuvent, par exemple, exiger un intervalle de sept jours entre la signature des contrats relatifs aux deux produits. En outre, si les deux produits ont pour objet des « services financiers », les États membres peuvent adopter des règles ayant pour effet d’interdire la vente croisée de ces produits en application de la lex specialis contenue à l’article 3, paragraphe 9, de ladite directive.

3)      L’article 24 de la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances

doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que les autorités compétentes des États membres imposent un intervalle de sept jours entre la signature de deux contrats relatifs, respectivement, à un prêt personnel et à une police d’assurance offerts conjointement par le même professionnel, dès lors qu’une telle pratique commerciale s’avère, « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances », être « agressive » et, partant, « déloyale » au sens de la directive 2005/29.


1      Langue originale : l'anglais. .


2      Carrère, E., D’autres vies que la mienne, Folio, 2010, p. 194 et 195. Dans ce roman, l’auteur raconte la vie du juge français qui a déféré une demande de décision préjudicielle ayant donné lieu à l’arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, EU:C:2002:705), qui portait sur la question des clauses abusives dans des contrats conclus avec les consommateurs.


3      Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales) (JO 2005, L 149, p. 22).


4      Voir septième considérant de cette directive.


5      Voir, entre autres, les considérants 11, 23 et 24 de la directive 2005/29, ainsi que son article 1er.


6      Voir article 5 de la directive 2005/29.


7      Au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29, on entend par « professionnel » toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de cette directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.


8      Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances (JO 2016, L 26, p. 19).


9      Une pratique commerciale ne peut être considérée comme déloyale, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, qu’à cette double condition (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart, C‑310/15, EU:C:2016:633, point 32 et jurisprudence citée).


10      J’ajoute que le terme « consommateur » est défini à l’article 2, sous a), de la directive 2005/29 comme étant « toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de [cette] directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».


11      Voir Siciliani, P., Riefa, C., et Gamper H., Consumer theories of Harm : An Economic Approach to Consumer Law Enforcement and Policy Making, 1ère édition, Hart Publishing, 2019, p. 25.


12      Lobel, O., « A Behavioural law and economics perspective : Between methodology and ideology when behavioural sciences meet law », in : van Gestel, R., Micklitz, H.-W., et Rubin, E.L., Rethinking Legal Scholarship : A Transatlantic Dialogue, Cambridge University Press, 2017, p. 476.


13      See Wheeler, G., « Bounded rationality », dans Zalta, E.N. (ed.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2020, Edward, N. Zalta (ed.), disponible à l’adresse suivante : <https://plato.stanford.edu/archives/fall2020/entries/bounded‑rationality/>.


14      Voir van Boom, W. et Garde, A., The European Unfair Commercial Practices Directive : Impact, Enforcement Strategies and National Legal Systems, Routledge, 1ère édition, 2014, p. 6.


15      See Siciliani, P., Riefa, C., et Gamper, H. (note en bas de page 11 ci-dessus), p. 21.


16      Voir, par exemple, van Boom, W. et Garde, A., The European Unfair Commercial Practices Directive : Impact, Enforcement Strategies and National Legal Systems, Routledge (note en bas de page 14 ci-dessus), p. 6.


17      Voir arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, EU:C:2020:431, point 22 et jurisprudence citée).


18      Communication de la Commission – Orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2005/29/CE (JO 2021, C 526, p. 33).


19      Voir conclusions de l’avocat général Medina dans l’affaire Caixabank e.a. (Contrôle de transparence dans l’action collective) (C‑450/22, EU:C:2024:64, point 46).


20      Voir arrêt du 13 janvier 2000, Estée Lauder (C‑220/98, EU:C:2000:8, points 27 à 31).


21      À titre d’exemple quelque peu « amusant », la Cour a expressément jugé que le critère de référence du « consommateur moyen » utilisé dans la directive 2005/29 s’applique également dans le cadre de l’appréciation du risque d’erreur ou de confusion visé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil (JO 2010, L 153, p. 1) (voir arrêt du 25 juillet 2018, Dyson, C‑632/16, EU:C:2018:599, point 56).


22      Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).


23      Voir, à cet égard, arrêt du 21 septembre 2023, mBank (Registre polonais des clauses illicites) (C‑139/22, EU:C:2023:692, point 66).


24      Voir ci-dessus note en bas de page 18.


25      Par exemple, la Cour a jugé que le fait d’informer un consommateur qu’il avait gagné un prix exploitait un effet psychologique et l’incitait à prendre une décision qui n’était pas nécessairement rationnelle (voir arrêt du 18 octobre 2012, Purely Creative e.a., C‑428/11, EU:C:2012:651, point 38).


26      Arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C‑310/15, EU:C:2016:633, point 36).


27      Ibidem, point 37. Les autres circonstances invoquées par la Cour à cet égard incluaient le fait que l’offre conjointe était conforme aux attentes d’une part importante des consommateurs et que le consommateur avait la possibilité d’accepter tous les éléments de cette offre ou d’obtenir la révocation de la vente.


28      Mise en italique ajoutée.


29      J’ajoute que le considérant 13 de cette directive indique que les pratiques commerciales « trompeuses » et « agressives » sont les « deux types de pratiques commerciales de loin les plus nombreuses » (mise en italique ajoutée).


30      En effet, les articles 6 et 7 de la directive 2005/29 couvrent les « pratiques trompeuses ».


31      Voir arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C‑310/15, EU:C:2016:633, point 28 et jurisprudence citée).


32      Dans l’arrêt cité dans la note en bas de page précédente, la Cour utilise effectivement l’expression « offre conjointe » pour désigner une pratique commerciale consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés.


33      Voir, en ce sens, à nouveau arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C‑310/15, EU:C:2016:633, point 30 et jurisprudence citée).


34      Voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, Orange Polska (C‑628/17, EU:C:2019:480, point 30).


35      Voir également, à cet égard, le considérant 16 de la directive 2005/29, qui indique que des pratiques commerciales « agressives » sont des « pratiques incluant le harcèlement, la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou une influence injustifiée ».


36      Voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C‑310/15, EU:C:2016:633, point 30 et jurisprudence citée). En ce sens, voir également arrêt du 17 janvier 2013, Köck (C‑206/11, EU:C:2013:14, point 50), dans lequel la Cour a conclu, en substance, que, si une pratique commerciale n’est pas couverte par l’annexe I à la directive 2005/29, l’autorité nationale compétente doit elle-même procéder à une appréciation de son caractère déloyal au regard des critères fixés aux articles 5 à 9 de cette directive et elle ne peut pas interdire de manière générale une telle pratique ; ainsi que l’arrêt du 12 juin 2019, Orange Polska (C‑628/17, EU:C:2019:480, point 25).


37      Voir arrêt du 19 octobre 2017, Europamur Alimentación (C‑295/16, EU:C:2017:782, point 39 et jurisprudence citée).


38      Arrêt du 12 juin 2019, Orange Polska (C‑628/17, EU:C:2019:480, point 35 et jurisprudence citée).


39      Ibidem, points 46 à 49


40      L’expression « distributeur de produits d’assurance » est définie à l’article 8, point 8, de la directive 2016/97 comme étant « tout intermédiaire d’assurance, tout intermédiaire d’assurance à titre accessoire ou toute entreprise d’assurance ».


41      À cet égard, je relève que la directive 2016/97, comme l’indique son considérant 7, s’applique « à toutes les ventes de produits d’assurance » (en ce sens, voir également arrêt du 29 septembre 2022, TC Medical Air Ambulance Agency, C‑633/20, EU:C:2022:733, point 48). Dans ce contexte, l’article 24 de cette directive concerne, plus précisément, la vente croisée de tels produits avec d’autres produits.


42      En outre, le considérant 10 de la directive 2005/29 indique que celle-ci « apporte une protection aux consommateurs lorsqu’il n’existe aucune législation sectorielle spécifique à l’échelon communautaire […] » et « complète par conséquent l’acquis communautaire applicable aux pratiques commerciales portant préjudice aux intérêts économiques des consommateurs ».


43      Voir arrêt du 13 septembre 2018, Wind Tre et Vodafone Italia (C‑54/17 et C‑55/17, EU:C:2018:710, points 60 et 61).


44      Mise en italique ajoutée.


45      Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (JO 2002, L 271, p. 16).


46      À cet égard, je note que Compass Banca et Europe Assistance Italia soutiennent que le législateur italien a fait usage de l’article 3, paragraphe 9, de la directive 2005/29 uniquement pour imposer certaines obligations aux « professionnels » qui s’engagent dans une telle pratique (entre autres, en exigeant que certaines informations soient fournies aux clients et que ceux-ci se voient proposer la possibilité d’acheter ces produits séparément).